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Mickaël, pilote de démonstration du Rafale

Voici une vidéo accompagnée d’une interview de Mickaël BROCARD, pilote de démonstration du Rafale il y a encore peu de temps, qui aborde avec nous deux sujets : la pression et le stress.

Jean Gabriel – Bonjour Mickaël, tu es pilote de chasse au sein de l’Armée de l’Air et depuis quelques temps tu présentes le Rafale à travers le monde. Beaucoup de nos lecteurs ont sans doute eu le plaisir de te voir voler et nous leur proposons d’aller encore un peu plus loin dans ces quelques lignes en abordant ton côté pilote. Pour commencer un des challenges pour le pilote est de rester dans sa zone de maîtrise, or certains facteurs peuvent nous pousser à en sortir, comme par exemple la pression psychologique. Nous savons que c’est un facteur de déstabilisation important chez les pilotes qui volent pour leurs loisirs, comme par exemple vouloir rejoindre à tout prix son terrain alors que les conditions y sont peu favorables. Pour un pilote de démonstration cette pression pourrait-être par exemple le regard des autres. Es-tu confronté à ce genre de phénomène ?

Mickaël – Pour répondre à ta question il faut je pense bien connaître la psychologie de chacun, comment la personne conçoit  l’aéronautique en général et l’approche de chaque vol. Dans le cadre de la présentation en vol du Rafale, on s’attache à ne choisir que des personnes qui ont une forte humilité, des gens qui se remettent en cause tout le temps et qui ont un doute sur chaque vol. Ce doute amène la critique, le stress (le bon) et évite la routine. Ensuite la mécanisation du vol prend le pas et le plus difficile n’est pas le regard des autres (je parle que pour moi à ce niveau) mais l’adaptation du vol aux conditions météo du jour avec le vent rentrant ou sortant qui perturbe la ligne à ne pas franchir, les nuages qui peuvent être désorientant. Ensuite, on se remémore le vol dans l’avion au calme 30 min avant le décollage environ, un dernier point météo et c’est partie….Quand on lâche les freins, il peut y avoir 1 personne ou 500 000 qui nous observe mais c’est pareil dans la tête, on déroule le vol avec notre coach au point central qui lui à l’œil très critique sur chaque figure, sur l’énergie que nous avons et bien sur la sécurité. Il est important de séparer la première année ou le stress est plus présent, on est un peu accroché à la dérive sans gérer les éléments alors que la seconde année on à beaucoup plus de recul mais on doit faire attention à l’excès de confiance. Donc, en résumé, le regard des autres n’est pas pris en compte en amont du vol, on cherche uniquement à restituer le plus beau vol en fonction du site.

07743Jean Gabriel – Préparer son vol, se concentrer, avoir un regard critique sur ses pratiques, s’adapter à la situation du jour tout en s’appuyant sur des routines solides, et un regard extérieur sur la démo avec le coach ; on comprend que tout est mis en oeuvre pour effectuer la meilleure démo possible, mais également pour progresser après chaque vol. Concernant le terme humilité, je souri parce que c’est un mot qui est régulièrement mis en avant dans ce blog. Abordons un autre phénomène bien connu dans tous les milieux qui s’intéressent de près à la performance des pilotes dans la mesure où celui-ci peut polluer nos capacités, il s’agit du stress, tu nous en a d’ailleurs déjà touché deux mots. Pour nos lecteurs, parmi tous ses symptômes, nous pouvons rappeler que notre cerveau sous l’influence du stress se met au ralenti, les décisions sont plus difficiles à prendre. Ce sujet est si important que la plupart des forces aériennes à travers le monde le traitent avec beaucoup d’attention. Tu peux nous en dire deux mots ?

Mickaël – La question du stress est intéressante car il progresse en fonction de l’entrainement à un type de mission, des conditions météo,  des objectifs à réaliser. Il faut qu’il soit présent pour garder cette attention  qui nous permet souvent de ne pas rentrer dans les habitudes qui amènent à l’erreur ou la faute. Au début de la présentation, la première année surtout, le stress est assez présent car on se sait vulnérable sur certains points, on doute et cela nous emmène à chercher plus de concentration, s’isoler plus longtemps en général. Chacun trouve sa façon de le gérer mais en général l’isolement est un moyen de combattre le stress en se concentrant sur les enchaînements du vol de démo, cela peut se faire dans l’avion tranquille ou au pied de l’avion en observant le vent, la zone. Ensuite, la connaissance de la démo et une certaine confiance font baisser le stress mais il reste présent car à ce moment la on cherche à réaliser la demo la plus parfaite tout en gardant un recul sur l’excès de confiance qui est le danger suivant.

Jean Gabriel – Tu nous confirmes deux points essentiels: le stress est indissociable de l’activité du pilote, et plus important, il se gère. Dans un premier temps il est synonyme d’éveil ou de vigilance, voir d’alarme. Je retiens également que rien n’est laissé au hasard. Merci Mickaël pour avoir partagé ton expérience avec notre communauté de (mental) pilotes, et un grand merci également à Yannick Barthe que tu connais bien puisque vous avez effectué cette magnifique vidéo ensemble.

Mickaël – C’était avec plaisir et je terminerai en disant  que quand il ne reste plus que 5 mn de pétrole dans les bidons, que l’on soit dans un Rafale, un ULM ou un A380 les pilotes sont toujours confrontés aux mêmes problèmes, il n’y a pas de grands ou de petits pilotes.

Bons vols à tous et Safety first.

Mickaël

Article précédemment publié en mai 2014.

Photo de Daniel

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2 Comments

  1. TURINA

    Merci Mickaël et Jean-Gabriel, pour ces réflexions sur le stress. Je crois que chaque situation stressante reste particulière et qu’il faut une bonne connaissance de soi pour apprendre à les gérer. L’expérience aide beaucoup, le regard d’un coach aussi.
    Au final, au sol ou en vol, chaque prise de décision est le résultat d’une démarche individuelle et unique.
    Bons vols.

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  2. Lanoix

    Bonjour Mickael
    Mon père faisait partie des pionniers de la chasse , c’est très vieux tout ça N° brevet civil 2236 et militaire 1482, dans ses carnets de vol pendant la première guerre je vois un Brocard, avez vous connaissance de pionniers dans votre famille et si c’est oui naturellement je vous ferai passer des éléments .
    bons vols .
    Serge Lanoix

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