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Vous voulez devenir un Paganini des cockpits? Passez donc votre IFR

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La rubrique d’Alexandre

« La réussite d’un vol IFR réside dans la capacité du pilote à penser à la bonne chose au bon moment*» 

*Entre autre !

Cette phrase résume bien l’ouvrage de Richard Collins « Instrument Flying Refresher ». Ce livre n’est pas un manuel d’apprentissage du vol aux instruments, mais plutôt un guide du bon sens à l’attention de tout pilote, même s’il n’est pas qualifié IFR. Son discours est en effet transposable à n’importe quelle activité aéronautique, puisque l’auteur nous fait comprendre que l’apprentissage de l’IFR nécessite une parfaite gestion de la charge de travail. En effet, les tâches étant nombreuses, et souvent très gourmandes en ressources mentales, comme la matérialisation de sa machine dans l’espace, la parfaite régulation (et maîtrise) de ces tâches est primordiale.

Cette charge de travail peut être définie* comme étant le rapport des « ressources nécessaires » pour la réalisation de la tâche, sur les « ressources disponibles » à disposition du pilote.

Quand ce rapport est positif : vous êtes devant l’avion, vous avez de la disponibilité. Quand il devient négatif, vous passez derrière votre machine, vous n’arrivez plus à réguler la charge. Le stress peut alors apparaître en affectant votre fluidité mentale (et du coup réduire vos capacités de traitement) : c’est un cercle infernal (Amalberti). Cette surcharge est un facteur contributif majeur dans 50% des accidents en vol aux instruments.

Il y a bien évidemment des solutions, la plus importante étant d’anticiper tout ce qui peut l’être, et corrélativement d’éviter les situations qui nécessiteraient des ressources que le pilote ne possède pas. C’est la raison pour laquelle la préparation des vols en IFR est une étape cruciale qui permet, au-delà des aspects classiques basés sur de nombreuses vérifications, d’anticiper, de rechercher tous les grains de sable qui pourraient perturber le bon déroulement du vol : nous pouvons appeler ça l’anticipation des menaces (gestion des menaces et des erreurs).

Pour prendre une métaphore musicale : afin d’éviter les fausses notes la connaissance de la partition est essentielle. Et le chef d’orchestre, celui qui donne le rythme, ce n’est pas vous (à part réduire votre vitesse) mais c’est le contexte opérationnel. Or, vous le subissez dans la plupart des cas.

C’est le message que veut nous transmettre Richard Collins, en s’intéressant particulièrement à l’IFR. Il évoque par exemple la réalisation de schémas retraçant le vol du décollage à l’atterrissage. Une sorte de frise chronologique (ou profil de vol) où sont inscrites toutes les tâches dans l’ordre suivant lequel elles doivent être réalisées, afin de se projeter dans le vol à venir, et donc d’anticiper la future charge de travail. Cette démarche est bien connue par les stagiaires en qualification IFR ou par les professionnels qui préparent une séance de simu.

Les aléas du vol sont suffisamment nombreux pour comprendre qu’une fois là-haut, tout ce qui peut être anticipé doit l’être. Nous nous retrouvons alors devant l’avion, une position confortable synonyme de marge de manœuvre (une sorte d’accu tampon).

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Ce que propose Richard COLLINS ressemble à la technique du « Chair Flying » (terme définissant la visualisation mentale et proposée par Tony Kern. Visualiser un départ IFR avant le vol en question, en se remémorant les différentes vitesses, les trajectoires à suivre, les altitudes ainsi que les premières fréquences, ou bien piloter « virtuellement » une approche ILS en réalisant les bons gestes au bon moment en ayant une connaissance précise des trajectoires et des altitudes (y compris pour l’approche interrompue)… Note : ces techniques nous permettent de vérifier si nous possédons bien les bonnes connaissances, et surtout si nous sommes capables de les activer sans délai. Ce point en apprentissage est particulièrement important ; il existe souvent une confusion entre : croire savoir, et réellement savoir ! Ce faisant, les tâches deviendront une fois là haut plus fluide, un délestage mental synonyme d’anticipation qui permettra au pilote une fois en conditions réelles de se focaliser sur l’essentiel. Comme faire face aux aléas (menaces).

Jouer une musique sans fausses notes nécessite de la répéter, vous n’allez pas la découvrir une fois en concert. Vous pouvez au moins apprendre la partition, faire des gammes, tranquillement chez vous, au sol.

Grâce à sa grande expérience en aviation générale (environ 20 000 hdv) et en IFR, Richard Collins nous fait explorer au travers de cet ouvrage le monde de l’IFR réel. Le livre se décompose en plusieurs chapitres, chacun consacré à une phase du vol (la préparation, le départ, l’arrivée, l’approche, l’approche interrompue…). Les difficultés associées à chaque phase sont évoquées, ainsi que divers exemples : des leçons tirées de crash (la plupart en aviation commerciale), des vols réalisées par l’auteur… Un chapitre est également consacré à la psychologie du vol aux instruments.

* Skybrary : The ratio of the resources required by the task to the amount of available resources.

Bons vols

Alexandre

Breveté PPL,  Alexandre s’intéresse de très près, aux connaissances techniques sur le pilotage, aux  facteurs humains… Il a intégré l’ENAC où il suit une formation TSEEAC. Il vole à Lasbordes.

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2 Comments

  1. benoit pilou

    « La réussite d’un vol IFR réside dans la capacité du pilote à penser à la bonne chose au bon moment*»
    ah bon! il en irait différemment du vol en VFR? la seule différence notable entre le VFR et L’IFR n’est pas dans la qualité de la préparation ou dans l’anticipation du vol mais dans le processus de perception et d’élaboration du réel à partir des éléments symboliques ou imaginaires confrontés à la perception sensorielle. ce que l’on appelle communément la conscience de la situation. Comme l’indique leurs acronymes, le VFR fait appel essentiellement à la perception visuelle, qu’il est difficile d’anticiper; alors que l’IFR fait appel largement à l’imaginaire qu’il est plus facile d’anticiper. la transposition des éléments de la carte en position instrumentale est ce processus. la rupture dans la conscience de la situation ne résulte pas uniquement d’une surcharge de travail, n’en déplaise aux psycho-cognitivistes, mais aussi à un blocage dans la perception du réel, dans le codage symbolique ou dans la chaîne signifiante imaginaire et donc une ouverture du nœud normalement formé par ces trois là ensemble.

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