LE BLOG, PILOTE PRIVE

L’avion le plus dangereux est celui qu’on ne voit pas

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Merci à la communauté aéronautique pour leur précieux concours, et plus particulièrement à la communauté suisse avec Joël qui nous fait part de son expérience.

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 Joël a débuté sa formation au pilotage durant l’été 2009 avant d’obtenir son brevet de pilote privé en été 2010, tout en passant son diplôme d’ingénieur du polytechnique en Suisse. Il avait 120 heures de vol en 2011 au moment du voyage en Corse qui suit. Il avait auparavant effectué trois grands voyages avec son aéroclub pendant sa formation. Celui-ci était son premier grand périple comme pilote breveté.

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Après avoir passé la matinée avec des amis pilotes à préparer un voyage depuis le continent vers la Corse, nous décollons en début d’après-midi à bord d’un PA28 et d’un C172. L’équipage du Piper comporte trois élèves pilotes et un instructeur et celui du Cessna une pilote brevetée et moi-même en places avants, un élève pilote et une passagère à l’arrière.

Le voyage aller se passe sans encombre. Je suis en place gauche dans le Cessna pour la première étape, avant la traversée maritime, et je suis tout de suite rassuré par le déroulement des premières branches de navigation. Je sens revenir les automatismes acquis lors des longues navigations effectuées dans l’année écoulée. Quelques jours auparavant, un vol m’avait permis de me réhabituer au C172, bien équipé. J’effectue ma première branche sans histoire, qui est suivie d’un ravitaillement en route et d’une seconde branche en place droite pour mon premier survol maritime. Passée la légère désorientation ressentie pendant les premiers instants où le « ciel se confond avec la mer », comme me l’avaient indiqué mes instructeurs, j’apprécie le vol en place droite où l’on a plus de recul sur la navigation. Après quatre heures de vol, nous arrivons enfin à Propriano.

Après une soirée en ville, les tentes nous accueillent pour la nuit et nous passons la journée du lendemain à la plage sous un soleil radieux. En fin d’après-midi, nous retournons à l’aérodrome pour reprendre les airs à destination de Figari afin d’effectuer un complément de carburant en prévision du vol retour du lendemain. Le ravitaillement effectué à Figari, nous retrouvons un instructeur et ses élèves du club voisin du nôtre, qui ont fait le voyage comme nous et avec qui nous avions rendez-vous. Nous organisons un vol à trois avions le long des falaises de Bonifacio avec les deux pilotes les plus expérimentés qui vont effectuer un vol en patrouille pendant que je filmerai leurs évolutions depuis le Cessna avec une caméra fixée sur un hauban.

Corse

Ayant toujours rêvé de voler en patrouille, j’admire la formation devant moi tout en étant extrêmement concentré. Nous sommes en contact radio et je prends un plaisir immense à suivre leurs évolutions. Après avoir pris confiance en mes capacités à suivre la patrouille à distance constante, je me rapproche à une centaine de mètres pour en faire profiter les futures cinéphiles. Un virage à gauche plus serré que les autres me piège, car en voulant ne pas perdre les appareils du champ de la caméra, je décide de virer à l’intérieur de leur rayon de virage et du coup, je perds le contact visuel en raison de l’inclinaison. En craignant la collision, je demande à mes passagers de droite de m’informer de la position des appareils, je demande par radio aux autres pilotes de ne pas trop serrer le virage et je reste attentif à ma vitesse et à mon inclinaison, d’autant plus que je suis à la masse max. Les ailes à plat après ces quelques secondes où le temps semblait suspendu, la patrouille se reforme et nous poursuivons le long des falaises sur le chemin du retour, dans le but d’arriver au coucher du soleil à Propriano.

Après quelques minutes, l’avion de tête propose de terminer la patrouille et je suggère que chaque appareil vire de son côté pour clore la vidéo. La manoeuvre est effectuée et je perds à nouveau le contact visuel avec l’un d’entre eux malgré leur proximité. Ce break aurait mérité quelques explications à la radio pour anticiper nos intentions respectives mais chacun retrouve rapidement le contact visuel des autres appareils. Je passe donc en tête pour le retour et je suis vite dépassé par l’appareil de l’aéroclub voisin, plus rapide. Le PA 28 est derrière mais je ne m’en soucie plus, sachant mon appareil un peu plus rapide. Arrivant verticale, un autre avion s’était inséré dans le circuit dans l’intervalle, je suis donc numéro trois. Je m’annonce verticale en gardant un oeil sur les numéros qui me précèdent et j’indique que je vais descendre pour le début de vent arrière. Quelques instants plus tard, j’entends plusieurs appareils qui s’annoncent à la verticale ou en arrivée vers le terrain. Mine de rien, nous devons être sept sur la fréquence, mais cela ne m’inquiète pas car j’ai mon numéro dans le circuit. Pendant ce temps-là, le PA 28 poursuit son intégration en passant par la verticale où convergeaient maintenant plusieurs appareils qui revenaient au terrain sous la pression du soleil couchant. La fréquence en auto-info est bien chargée et il devient impossible d’avoir une vue d’ensemble de la position de chaque appareil.

Alors que je débute ma vent arrière, la pilote brevetée en place droite m’informe avoir entendu à la radio qu’un avion risque d’avoir une trajectoire conflictuelle avec la nôtre. Les quatre occupants ouvrent l’oeil et nous apercevons très surpris le PA 28 qui vient débuter la vent arrière en même temps que nous sur notre droite. Celui-ci avait raccourci son intégration en raison du danger des multiples trafics à la verticale, mais ne nous avait pas vus en raison des ailes basses alors qu’il était en virage et en descente, et il ne pensait pas nous trouver ici. Heureusement qu’il ne se rapprocha pas plus, car la vent arrière est bordée de montagnes et une manoeuvre d’évitement aurait été délicate. Après un message radio, le PA 28 nous aperçoit dans son travers et je lui laisse la priorité pour l’atterrissage en raison de sa position plus à l’intérieur du circuit. Sous l’effet du stress, son virage en base s’effectue un peu tôt et cela se ressent durant les phases suivantes de l’atterrissage ! Pendant ce temps, je prolonge ma vent arrière et je me pose sans encombre. Nous nous retrouvons au parking un peu gênés, l’instructeur de l’autre avion de nous avoir oublié, et moi de ne pas avoir été plus attentif à la radio.

En l’espace de quelques minutes, j’ai perdu deux fois le contact visuel avec des appareils proches de moi, dont une fois lors d’une évolution pendant laquelle je ne maîtrisais plus vraiment les choses. Dix minutes plus tard, j’ai été surpris par la trajectoire d’un autre avion (le PA28) qui visait la même trajectoire que moi.

Nous avons discuté de ces événements pour comprendre comment ils ont pu se produire et quels facteurs auraient pu y contribuer. Lors du vol en patrouille, la perte à deux reprises du contact visuel avec les autres avions était le résultat d’un manque d’expérience évident de ma part dans ce type de vol. Quant aux trajectoires convergentes entre le PA28 et moi lors de l’intégration dans le circuit de piste, certainement que ma vigilance s’est relâchée après ces premières émotions avec une analyse un peu trop rapide de la situation : « ils sont derrière moi ». Enfin, parmi les multiples messages radios, ma copilote avait relevé la manœuvre du Piper depuis un moment mais elle pensait que je l’avais également entendue, jusqu’au moment où elle s’est aperçu que ce n’était pas le cas. Au vu de l’importance du trafic et de la visibilité en baisse avec le coucher du soleil, j’avais demandé à tous de guetter et de me signaler les appareils proches, ce qui a fonctionné, mais met en évidence l’importance de bien communiquer les informations dans l’avion.

Pour conclure, je retiendrai qu’il ne faut jamais s’appuyer sur la seule vigilance des autres pour assurer sa propre veille anti-collision. S’il y a plusieurs pilotes dans un avion, ils peuvent avoir chacun une perception différente de la situation, c’est la communication entre eux qui doit lever les doutes et partager les informations importantes. Enfin, l’auto-information avec sept appareils dans le circuit, dont la plupart en intégration, permet de nous renseigner sur un trafic important, mais sans la possibilité de les localiser pour anticiper leurs trajectoires tant ils sont nombreux.

PS: le retour s’est bien passé malgré les émotions de la veille et la fatigue accumulée lors du séjour sous les tentes.

Le dessin est tiré d’une affiche de la DGAC, avec leur aimable autorisation, (recadrée pour correspondre au thème de l’article). Dessinateur Deymo.

Bons vols

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One Comment

  1. Vladkr

    Article très intéressant car encore une fois valable pour tout engin motorisé (le danger vient de ce que l’on ne voit pas, pas de ce que l’on voit et que l’on peut gérer); à noter que manuel de pilote privé Jeppesen (en anglais) consacre tout un chapitre aux angles morts existants sur les avions à ailes basses/hautes.

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