Nous allons sortir des sentiers battus avec le récit de Marie-Noëlle au nom de famille qui en impose dans notre petite communauté : Pégaz ! Marie-Noëlle évolue professionnellement dans le milieu médical et plus précisément dans le domaine de la Qualité. Je rebondis sur ce terme Qualité (processus), pour évoquer les qualités (humaines) du pilote et parmi celles-ci une qui est essentielle : la motivation.
La motivation c’est une énergie qui vous pousse à agir avec des degrés différents, celui de la passion vous garantit un investissement de haut niveau. Le pilotage est une activité exigeante et c’est votre motivation, avec son énergie, qui vous permet d’atteindre et de dépasser ce niveau d’exigence. Vous savez que vous ne devez pas faire les choses à moitié, sinon vous risquez de vous en mordre les doigts, à commencer tout simplement par vous faire peur. Un autre avantage de la passion, c’est que si votre activité demande des efforts, elle ne va pas les réduire, mais vous allez les accepter plus facilement.
Thomas Seamster, expert en sécurité aéronautique, démontre facilement qu’un pilote qui n’est pas ou peu motivé (ou un médecin d’ailleurs) est potentiellement dangereux et chez le pilote il sera dangereux pour lui-même ! Une deuxième remarque concerne la phase « pilote d’essai » de Marie-Noëlle que vous allez découvrir. Vous nous avez envoyé des messages qui confirment que parmi vous il y eu pas mal de pilotes d’essai en herbe et que votre imagination n’avait pas d’autres limites que vos retours au sol très loin des kiss landing ! Marie-Noëlle nous démontre quand même que lors de ces “essais en vol” le bon sens était bien présent.
Toutes les photos de cet articles sont diffusées avec l’aimable autorisation des Goélands d’Armor, le club de Marie-Noëlle (au décollage ci-dessus).
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Petite fille, j’avais juste l’envie de voler l’envie de m’élever de côtoyer les oiseaux et traverser les nuages alors le nez au vent je rêvais. Les Faucheurs de marguerites étaient devenus mes amis avec eux j’ai vécu des aventures formidables, je partageais leurs espoirs, leurs échecs et leurs réussites. Le temps passait sans que je puisse exprimer ce désir de voler, un papa pilote dans l’aéronavale m’avait été retiré à l’âge de 5 ans, le vol était un des sujets à ne pas aborder …
Mes premiers essais se firent en cachette. Je n’avais pas d’atelier ni d’outil pour me fabriquer mon engin. Les parapluies de la maison n’ont pas appréciés mes tentatives. Un drap y a laissé quelques fibres et mes échecs se sont accumulés. Plus tard j’ai décidé de me passer d’engin volant. Il suffisait de se propulser dans les airs, une fois là haut, virer à droite puis à gauche et voler ! Un arbre, il fallait juste un arbre assez haut assez souple. Les vacances le moment idéal et un pilote d’essai … L’équipe complète s’est mise à chercher cet arbre, mon frère, son copain et moi. Nous l’avons trouvé à la sortie de la ville dans un bosquet. Mon frère de 10 ans missionné pour grimper au sommet y attacha une longue corde.
Nous avons courbé l’arbre afin de pouvoir s’installer à la cime, et tenu fermement nous avions là une magnifique catapulte. A cet instant, prise d’un doute j’ai décidé de changer de pilote et c’est le copain de mon frère tout aussi jeune qui s’installa ; pas joli joli … (il avait confiance en moi, c’est beau…). Au top, nous avons tout lâché, l’arbre s’est relevé, relevé il est monté, monté, monté et, heureusement, pas d’éjection, trop lente la montée, cependant Olivier a glissé tout le long de l’arbre jusqu’en bas en criant, tout en bas, tout en bas et, des feuilles plein les cheveux: il n’avait pas volé ! Nouvel échec.
Le temps passe encore et encore… l’occasion d’un vol dans un avion de ligne me fut donnée. Ce fut un mélange de joie et de crainte pour se terminer en déception ; il n’avait pas été possible de “sentir” le vol.
Le déclic
Beaucoup d’années ont passé quand lors d’une balade au bord de la mer un parapente s’élève juste au dessus de moi dans un silence musical. Déclic ! “Voler, c’est ça que je veux depuis longtemps il faut que je m’y mette le temps est venu”. A mon retour, je me jette sur mon ordinateur et je tape : “apprendre à voler”. Il y a bien l’aéroclub mais je me repasse dans la tête ce vol silencieux et mon choix se porte sur du non motorisé.
Une école de parapente, propose des cours .Rendez-vous est pris au Menez-Hom. Je découvre cet endroit, repère de parapentistes et d’aéromodélistes. Au sommet plusieurs personnes assises dans l’herbe le nez en l’air. Au dessus, ces voiles colorées suspendues dans les airs et …
Mes premiers cours
Tout au dessus tournoie un magnifique deltaplane. Je le pointe alors du doigt comme une enfant et lance: “c’est ça que je veux faire ! ” On me répond alors qu’il faut que j’apprenne le parapente avant de commencer le deltaplane. Disciplinée je programme un prochain rendez-vous pour mon premier cours, à confirmer en fonction de la météo. La météo ne fut pas favorable, l’école n’assurait plus les cours en hiver et n’annonçait la reprise qu’en mai 2011 : grosse déception.
Un jour, après avoir exprimé mon désarroi sur le fameux réseau social, un parapentiste me dit alors : “vient donc avec nous, on vole toute l’année en Bretagne ! “Aussitôt dit aussitôt fait, je les ai rejoins ces Goéland sur un déco. Un tour de BI plus tard une nouvelle me parvient aux oreilles : il y a désormais une école dans le département donc bien plus près de chez moi .Une nouvelle n’arrivant jamais seule, j’entends aussi :”tu peux apprendre le delta directement”.
Aussitôt dit aussitôt fait, rendez-vous pris cette fois auprès de Richard Walbec et Françoise Mocellin pour mon premier stage qui a eu lieu début 2011. Je suis retournée cet été et déjà des aventures plein la tête. Parmi elles mes atterrissages et ce que j’en ai retenu pour le moment : atterrissage inconnu – atterrissage raté, atterrissage étrange – atterrissage boiteux, atterrissage ressenti – atterrissage réussi. Mais avant il y a le delta, la pente école , la radio, la météo, l’aéro, les déco et des vols et … mais ça c’est pour plus tard.
Gloups !
– ” Rendez-vous demain pour la pente école ! Il nous faut des conditions de vent nul alors à 6h45 ok ? ” Ok, le réveil n’aura pas eu besoin de sonner. Notre véhicule se rempli de casques, harnais, radio, manche à air, bouteilles d’eau (ce sera sportif) et bien sûr, arrimer sur le toit : Les Deltas. Les données météo nous parviennent de la Puncho d’Agast dans un léger grésillement (la vitesse du vent et sa direction) tout est ok. Nous sommes arrivés ! GLOUPS … il y a pente et PENTE et là c’est : THE PENTE ! Quelle pensée à cet instant ? Très simple ; juste une question : ” quelle idée ai-je eu ?” C’est d’ici qu’on s’élance ? Il doit y avoir une erreur … cette pente pour eux d’accord mais pour moi ? Z’êtes sûrs ? Oui, un grand sourire pour toute réponse oui, ils sont sûrs ! La voiture se vide en un temps record un peu vite à mon goût. Ne sois pas stupide, tu peux leur faire confiance à tes moniteurs, leur but est que tu tiennes en l’air, pas que tu casses du matériel, confiance, s’ils t’amènent ici c’est que c’est possible. Aucun chapeau pointu, aucune baguette magique, aucune poussière d’argent, tu vas décoller de toi même, merveilleux et la magie du rêve qui se réalise éloigne mes premiers doutes.
Les Deltas sont à terre : Ils nous faut les monter, magnifique ça j’adore : de mes mains, ce tas de tissus et de tubes inertes va se métamorphoser en Aile Majestueuse. Passé tous les “Gloups ” je décide de me programmer en mode élève attentive ; il ne s’agit pas de manquer la moindre information, indication, précision ou détail (les détails, c’est souvent ce qui fait la différence…). Le casque et le harnais enfilés, la radio installée (heu pardon je ne sais pas le faire fonctionner, ça pourrait poser un problème non ? Si je pars très loin comment pourrais je vous joindre ? Sourire ” oui mais aujourd’hui ça ira, tu dois juste nous écouter ” Vous voyez François, là-bas tout en bas ? Allez tout droit, vous atterrissez là-bas ! Atterrir ?!?? Mais je ne sais pas ! “re Gloups … ” Bien sûr nous avons eu une explication théorique mais … Tu vois François ?
“A ton tour”
“Très bien à ton tour”. Position, les mains enroulées aux montant, bien droite, les épaules au contact des tubes, je regarde au loin à l’horizon (pas le sol, ne regarde pas le sol m’a t’on répété je ne le regarderai pas c’est décidé !), jambes jointes, un coup d’œil sur le déco, pas d’obstacle ni devant ni autour ni au-dessus, la manche à air est toujours en berne alors je me penche doucement et perd l’équilibre, je fait le premier pas et avance en douceur pour accélérer, accélérer et ne surtout pas m’arrêter “cours, cours, cours ! ” Le sol a disparu … je vole ! Je plane, c’est doux, ce vent sur le visage c’est que j’avance assez vite ? Vite tout va très vite : “Tout droit, tout droit !” Mais si je vais tout droit, je fonce sur François ! Non je ne veux pas, je décide de tourner et d’atterrir … mais où ? Là ! L’atterrissage se fait sans moi … je m’aplati comme une crêpe, pas esthétique du tout …
On vient me voir “ça va ?” Pourquoi cette question? Oui je vais bien : j’entends, je vois, je bouge malgré quelques douleurs sur les jambes, les genoux … rien de méchant deux magnifiques hématomes se constituent doucement pour me rappeler que je dois préserver mes jambes … Tu dois garder ton cap ! “Oui” lui ai je répondu “oui, mais … ” pas le temps de fournir d’explication, pas de mais ! “Tu dois aller tout droit, tu tiens ton cap, d’accord ? ” Ouh la, mon initiative à ce stade de l’apprentissage n’est pas la bienvenue, il ne s’agit pas de griller les étapes. Je dois montrer que je sais garder un cap et les virages ce sera plus tard… dans l’ordre !
Bons vols
Marie-Noëlle
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Les heures de vol de Marie-Noëlle se comptent sur les doigts d’une main et que nous dit-elle ? Atterrissage ressenti – atterrissage réussi. Cette réflexion pleine de bon sens sur les retours sensoriels du pilote est à méditer dans d’autres activités où la technologie entraine une déconnection du pilote des réalités physiques de son vol, compensée par une procéduralisation du pilotage. Mais les procédures sont des compromis. Procédure décrochage : « pousser sur le manche ». Combien de pilotes n’ont pas « poussé » sur le manche malgré les signes d’un décrochage tout simplement pour ne pas aller emplafonner la planète ? Et oui, vous avez compris : il y a pousser et pousser et c’est votre ressenti qui fera la différence ; et allez parler de ressenti à un pilote qui ne serait pas motivé ! JG.
Bonjour,
Je confirme ici tout l’intérêt que porte la Fédération française de vol libre au blog de Jean-Gabriel, et remercie Marie Noëlle d’avoir ouvert le bal, avec le delta qui plus est, ce qu’apprécieront nos responsables fédéraux et tous les acteurs de notre discipline historique.
En espérant que les petits frères parapentistes embrayent… Ils ont sans aucun doute des choses à dire et des expériences à partager, toutes choses utiles à une meilleure sécurité individuelle et collective. Longue vie à ce blog!
J.Bouvard, DTN adjoint FFVL