Comment dire non ? Cette question, toute personne liée au domaine aérien se l’est déjà posée. En effet, qui n’a connu, après un choix réfléchi ou non, la désagréable impression d’être passé prêt d’un incident ou de n’avoir pas pris la bonne voie.
Bizarrement peut être, l’acteur dans cette situation peut se sentir coupable de ne pas avoir fait le bon choix. Pourtant, le point de départ positif pour des actions futures reste le sentiment, à froid ou à chaud, de ne pas avoir bien pesé les solutions disponibles. Pour l’avenir, la personne mettra en œuvre des éléments mémorisés d’aide à la décision.
Rien n’est donc perdu puisque ce sentiment piloté par l’émotion est le démarreur de la machine « renoncement ou pas ».
Les facteurs rentrant en jeu dans la capacité à renoncer sont connus et peuvent énormément influer sur les décisions adaptées :
– Le temps : la disponibilité temporaire peut permettre ou empêcher de mettre en place un processus mental complet avant action qui inclut normalement
- La prise d’information
- L’analyse
- La comparaison
- La décision
Deux secondes ou deux minutes peuvent ainsi très différemment influencer cette gestion cognitive.
– La pression : réelle, induite ou ressentie, elle fait évoluer le niveau de stress et décale le niveau de réponse physiologique face à des menaces réelles ou non.
– L’image : parfois sans le savoir, nous pouvons être influencés par notre sentiment de diffusion d’une image au sein d’un groupe de personnes. N’oublions pas que cette pression de l’action repose souvent sur une expérience collective (« on l’a déjà fait nous… », « que veux tu qu’il t’arrive ? », « on fait cela depuis des années ») mais ses conséquences trouvent au final une seule issue individuelle (« c’est toi qui as décidé ! »).
Comment les organisations peuvent elles aider à cette gestion du renoncement ?
– Pour les opérateurs ou associations qui chapotent une activité aérienne, un cadre d’utilisation des matériels (bonnes pratiques, conditions minimales d’utilisation, offre de remplacement…) s‘appuyant sur une politique de gestion du retour d’expérience permettra d’abaisser la pression ressentie par l’acteur dans l’élaboration de sa décision. Prenons comme exemple l’initiative louable de fédérations qui incluent dans la licence un rapatriement gratuit du pilote vers son domicile en cas de doute ou problème pouvant amener à une décision dangereuse.
Nous appellerons ce premier niveau, celui du renoncement « attendu ». Le groupe d’acteurs et son encadrement mettent ainsi en place les moyens d’aider toute personne à ne pas forcer sa décision en jugeant normal et même bien vu d’avoir fait demi tour, annulé le vol en cas de doute. Des techniques simples permettent de favoriser cette prise de décision individuelle au sein d’un groupe : faire verbaliser les ressentis, poser des questions, ne pas accepter un silence pour approbation d’un choix potentiellement dangereux…
– L’autorité doit apporter sa pierre à cet édifice en communiquant sur les nombreux faits recensés dans le domaine mais aussi en promouvant le retour à la base et le « non-départ » si des éléments jugés impactant ne sont pas rassemblés. L’aide à l’instruction des acteurs dans le domaine de la gestion des menaces et erreurs (« Threat and Error Management ») peut également en faire partie. Cette mise en place, en haut de l’échelle de sécurité, de moyens de connaissance et échange ne peut qu’aider à fixer le cadre du renoncement « nécessaire ». Le type d’instruction caractérisé dans ce domaine est l’information de tous sur les conséquences historiques connues de telle ou telle situation avec des exemples de bon et mauvais choix. Tout acteur peut ainsi se projeter ou se raccrocher à des faits établis et connus pour l’aider dans sa prise de décision.
– Le troisième pilier, mais aussi dernier, ne laisse plus place ensuite à un aucun filet de sauvegarde supplémentaire. Il concerne le renoncement « personnel » qui se construit sur l’expérience souvent majorée par l’émotion. La connaissance d’un fait passé identique arrivé à une personne proche, le souvenir d’une situation vécue personnellement… amènent la mémoire à nous faire réagir en activant les « agents stresseurs » physiologiques (peur, inquiétude, questionnement) associés à leurs « marqueurs » (sudation, rythme cardiaque accéléré…).
Au final, nous ne disposons pas seulement d’un processus d’aide au renoncement mais de trois :
- – Attendu : influencé par l’organisation, le groupe, l’entreprise, l’association ou la famille
- – Nécessaire : documenté par l’autorité pour la base de données personnelle des acteurs
- – Personnel : décidé sur des critères de choix personnels basés sur l’expérience ou l’émotion de l’acteur
Qu’un seul de ces trois niveaux soit utilisé pour pouvoir dire « NON » est suffisant !
Mais ayons tous une réflexion en fonction de nos postes ou implication associative en nous demandant si nos réflexions, échanges, actions ou travaux vont bien vers cette assistance communautaire avec comme objectif final, d’aider l’acteur à prendre la meilleure décision possible pour le renoncement et l’empêcher d’atteindre une éventuelle « renonciation »…
Bons vols
Albert LULLIN
dire oui ou dire non, accepter ou refuser c’est le même acte d’autorité, une autorité de maîtrise, l’autorité du risque. pour venir en aide aux commandants de bord, tous les commandants de bord, quelle que soit l’aviation qu’ils pratiquent, le facteur humain doit abandonner le concept de leadership qui ne correspond qu’à la contre-maîtrise du vol. expliquer l’autorité du commandant de bord, plus spécifiquement l’autorité de maîtrise c’est à la fois le point nodale et le point de départ d’une définition correcte de la décision et non seulement le processus d’élaboration de la décision.
alors, on pourra voir que le commandant de bord est essentiellement un “refuseur”, un réacteur, ce qui est bien le but et le sens de cette chronique