Je lisais ce week-end quelques retours d’expérience, parmi lesquels j’ai trouvé une discussion entre deux instructeurs qui se concluait par : “On l’a tué” ! Cela signifie que l’élève s’est retrouvé dans une situation qu’il n’a pas pu maîtriser alors que ses instructeurs étaient conscients de certaines faiblesses. On notera au passage le jugement sans concession vis-à-vis d’eux-mêmes de ces instructeurs.
Afin de prendre un peu de recul, raisonnons en terme de menaces (ou risques) lorsque nous allons par exemple décider de lâcher notre élève.
– Notre jugement peut être biaisé par de nombreux facteurs, comme par exemple la pression qui serait liée à une situation particulière. Avec des prévisions météo peu favorables dans les jours à suivre, nous pourrions par exemple être tenté de lâcher notre élève le jour même, bien qu’une séance supplémentaire aurait été la bienvenue. Attention, la complaisance, la facilité, sont également des menaces qui reviennent souvent : “On va pas y passer l’été, je le lâche”. Notre conscience des risques qui est proportionnelle à notre expérience est un autre facteur. Je ne dois pas trop me tromper en disant que les jeunes instructeurs pourraient avoir tendance à lâcher leurs élèves plus rapidement que les anciens (le débat est ouvert).
– Nous devons également nous assurer que les conditions de vol seront plus ou moins aseptisées des menaces que notre élève pourraient avoir du mal à anticiper ou gérer. Mais peut-être que ce jour là nous avons mal évalué les conséquences du front qui rentre un peu plus vite que prévu, alors que notre élève effectue sa première navigation en solo. Ou bien c’est un vent de travers qui se lève, alors qu’il était prévisible, pendant que notre élève effectue ses premiers tours de piste seul à bord.
– Avons-nous correctement évalué les ressources de notre élève ? Si c’est une personne plutôt émotive, comment cela va-t-il se traduire sur ses capacités techniques (le stress peut, dégrader notre pilotage qui va devenir heurté et entraîner des difficultés de raisonnement …). Possède-t-il suffisamment de recul pour faire face à certains aléas, ou bien: ” il sait se poser et c’est le principal” ! Votre élève est sûr de lui, il a réponse à tout, et par un effet de halo (celui-là c’est un bon !), vous décidez qu’il sera capable d’aller faire un tour à Toussus un samedi après-midi malgré sa faible expérience.
Vous, votre élève et son environnement. Trois sources de menaces potentielles sur sa sécurité que vous devez gérer, en sachant que c’est toujours une succession de petites choses qui va entraîner des déboires. Votre élève était plus émotif que vous ne le pensiez, pas très robuste techniquement, le contrôleur pas très sympa l’a complètement déstabilisé, et le vol va se terminer avec un atterrissage “franc et massif”, ou une sortie de piste (au choix).
Pour conclure, je vais revenir sur ce que dit Tony KERN, un avis que je partage : dans la plupart des évènements de sécurité, il existait des signes annonciateurs (des menaces), dont les pilotes n’ont pas tenu compte. Mais bon si je ne le lâche pas aujourd’hui … !
Bons vols