La rubrique d’ALEXANDRE
Après un article sur la maîtrise du pilotage, en voici un sur la maîtrise de soi.
De l’appréhension à la maîtrise
Tout comme le passage à l’âge adulte, la vie d’un pilote est caractérisée par différentes étapes. On peut en distinguer quatre : l’appréhension, l’aisance, l’excès de confiance et la maîtrise.
1. L’appréhension
La première phase est une réaction normale. Après tout, voler n’est pas naturel pour un être humain. Les évolutions se font dans un environnement dynamique et on ne peut pas « mettre sur pause » comme on pourrait le faire sur terre (s’arrêter sur le bord de la route pour régler le problème), ou dans un simulateur. Cette appréhension qui nous rend méfiant permet cependant de maintenir une bonne vigilance. Le pilote reste sur ses gardes pendant que sa confiance commence à se construire. Il est prudent et se fixe des marges de sécurité. 10 nœuds de vent de travers sera le maximum qu’il acceptera en vol solo. L’appréhension à l’approche du sol lors de l’arrondi, la peur du vent de travers, des décrochages pratiqués avec instructeur, sont des situations que tous les pilotes connaissent ou ont connu. C’est tout à fait normal.
2. L’aisance
Pour la plupart d’entre-nous, les heures de vol s’accumulant, cette étape laisse la place à un autre ressenti : le pilote prend confiance en lui. Mais il reste quand même prudent, en ayant toujours quelques doutes, par exemple lors de ses analyses météo, certaines pouvant être délicates quant à la prise de décision. C’est à ce moment qu’il doit se méfier car une attitude plus dangereuse peut apparaître.
3. L’excès de confiance
En effet, avec l’expérience, il peut se sentir moins vulnérable (notamment s’il ne s’est jamais fait quelques petites frayeurs, s’il n’a jamais vécu de situations délicates) et va baisser sa garde. «25 nœuds de vent de travers ? Je n’ai jamais volé dans ces conditions mais ça devrait le faire ! Après tout, avec 20 nœuds je maîtrise ! » Il passe d’élève pilote timide à “expert” surconfiant, en se lançant même des défis pour tester ses limites, alors qu’il ne connaît pas vraiment. C’est à ce moment là qu’il risque les mauvaises surprises. Il est vulnérable et va probablement se faire peur un jour ou l’autre. Il va peut-être se faire surprendre par la météo, ou bien se retrouver « short pétrole ».
Réfléchissons un peu
A ce stade, deux possibilités. Soit le pilote décide d’arrêter de voler. « Je n’ai plus envie de me faire peur ! J’abandonne. » Soit il va vite remonter en selle mais restera marqué par la mauvaise expérience qu’il a vécu. Il peut alors de retourner à la case départ : la phase d’appréhension. Il aura donc tendance à être très prudent, voir timoré, en s’imposant d’importantes marges de sécurité. Par exemple, s’il a été confronté à des problèmes de carburant, il décidera peut-être de partir avec les pleins complets à chaque vol. Ou bien il annulera un vol alors qu’il avait parfaitement les capacités de naviguer ce jour-là. La confiance sera difficile à retrouver. Il s’agit alors de trouver un équilibre entre crainte et surconfiance.
4. La maîtrise
La dernière étape est la maîtrise, l’objectif de beaucoup de pilotes. Mais on ne devient pas Chuck Yeager ou Bob Hoover d’un simple claquement de doigt. Il faut tout d’abord de la volonté, de la motivation pour chercher à s’améliorer en permanence, en continuant d’apprendre (apprendre de ses erreurs, de celles des autres) et de perfectionner son pilotage. Cela peut se faire par l’obtention de nouvelles qualifications (montagne, hydravion, turbine…) ou bien en se fixant des objectifs de progression particuliers : “Du vent de travers avec des rafales, je vais faire des tours de piste avec un instructeur”. La maîtrise nécessite la compréhension de l’art et de la science du vol. C’est un long voyage, interminable car on n’atteint pas la perfection en une seule vie de pilote, mais qui procure une grande satisfaction personnelle. Un pilote qui atteint un certain niveau de maîtrise fait les choses “naturellement”, sans efforts apparents, ses réactions sur les commandes sont plus intuitives, ses décisions se prennent sans efforts. Il connaît sa machine et ses performances, il anticipe les messages du contrôle, etc. Cette recherche de maîtrise est obtenue par un effort continu d’apprentissage et de remise en question.
Conclusion
Peu importe la phase dans laquelle vous vous trouvez, il est très important de ne pas brûler les étapes. Si vous débutez ou que vous êtes fraichement breveté, ne vous faîtes pas piéger par l’excès de confiance, et acceptez le fait que cette dernière doit prendre le temps de se construire. Enfin, gardez à l’esprit que même les pros n’arrêtent jamais d’apprendre.
Bons vols
Breveté PPL, Alexandre s’intéresse de très près, aux connaissances techniques sur le pilotage, aux facteurs humains… Il a intégré l’ENAC où il suit une formation TSEEAC. Il vole à Lasbordes.