Ce matin, j’apprends le décès du commandant de bord d’un avion qui avait survécu à un accident en 1989. L’occasion, pour un quotidien, de ressortir la photo du crash et de rappeler une tragédie vieille de plus de trente ans.
N’étant pas un expert des médias, je reste prudent. Mais il semble que l’aviation serve souvent de « matière première » pour nourrir l’actualité. Avec plus de 24 millions de vols depuis le début de l’année, les journalistes n’ont que rarement des drames à se mettre sous la dent. Les exemples en témoignent :
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Un avion se déroute à cause du brouillard.
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Dix zones d’ombre dans une enquête, « de multiples questions restent posées ».
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L’aéroport de Newark fermé après une sortie de piste.
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Miley Cyrus a « failli mourir » en avion… après une remise de gaz.
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Un ULM sort de piste, le pilote est indemne.
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Un véhicule de pompiers en panne : un vol dérouté sur Brest.
Ces événements n’ont rien de dramatique au regard du volume de vols quotidiens, mais ils suffisent à générer des titres accrocheurs.
Lorsqu’un accident grave survient, la couverture médiatique prend une toute autre dimension. L’aviation, par sa charge émotionnelle, attire l’attention du public. Le scénario est souvent le même :
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13h00 – Le journal s’ouvre sur le crash : « plus d’une centaine de victimes ». L’audience grimpe, les images sont essentielles. À défaut, un passager qui a raté l’avion peut témoigner.
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13h15 – Les premières polémiques apparaissent : « l’avion aurait-il dû décoller ? ». Le débat, même prématuré, est vendeur.
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13h30 – Un envoyé spécial arrive sur place. Il n’apporte pas d’informations nouvelles, mais renforce l’impression d’urgence. En plateau, on évoque déjà la recherche de responsables.
Victimes, polémiques, recherche de responsabilités, détails choquants : voilà le cocktail qui permet aux médias de maintenir l’attention plusieurs jours. Viennent ensuite les émissions spéciales, où les experts, prudents, peuvent difficilement commenter tant que les enquêtes sont en cours. En manque de matière, les journaux recyclent alors des images d’accidents passés, toujours aussi spectaculaires.
Cette mécanique médiatique interroge. Elle illustre la difficulté de traiter l’aviation de façon équilibrée : un secteur d’une sécurité exceptionnelle (1 accident mortel pour 2,54 millions de vols en 2018, source TP), mais qui, lorsqu’il est touché par un drame, devient immédiatement le centre d’un récit collectif fort, où l’émotion prime souvent sur l’analyse.
Bons vols
Jean-Gabriel CHARRIER