REX

Quand vous perdez le fil du vol

« Ce jour-là, j’effectue un vol depuis un aérodrome du sud-ouest de la France vers Montpellier. La carte TEMSI de 09h00 TU indique un phénomène d’onde orographique à proximité de Montpellier. Compte tenu de la position du symbole, j’imagine que je serai davantage concerné par ce phénomène au départ du vol retour, en piste 31, qu’à l’arrivée du vol aller.

En croisière, au FL60 en conditions IMC, j’observe un léger givrage sur les bords d’attaque. Je décide de monter au FL70, au-dessus de la couche. A ce niveau, le pilote automatique est engagé en mode ALT et NAV. A quarante milles marins environ au nord de Perpignan, alors que je porte mon attention sur la carte d’approche pour préparer l’arrivée et sur mon journal de navigation pour noter l’ATIS, je sens le nez de l’avion se lever.

L’anémomètre indique 110, soit sensiblement moins que la vitesse de croisière habituelle, et cette valeur diminue ! A moins de 100 nœuds, je sollicite toute la puissance du moteur. A plus de 10° d’assiette et 90 nœuds, la vitesse diminue toujours. Je décide de déconnecter le pilote automatique et de descendre. J’avertis le contrôleur de manière évasive car je ne sais pas expliquer ce qui m’arrive. Le contrôleur m’autorise à descendre à 4 000 pieds. Je perds 500 pieds en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Puis, dans la suite de la descente, le comportement de l’avion redevient normal.

Je pense tout d’abord à un givrage, mais j’évoluais en ciel clair et la température était positive au moment de l’événement. Le chauffage du tube pitot était en fonctionnement. Les paramètres moteur étaient normaux. Je me souviens avoir observé, quelques instants avant l’événement, une forme nuageuse protubérante qui sortait de la couche. Je suis passé à proximité de celle-ci, sous le vent, dans une zone descendante de l’onde.

Pendant le vol retour, dans la même région vers 14 h 00 TU au FL 80, les ondulations de la couche nuageuse sont nettement visibles. J’ajuste le cap pour passer dans une zone montante. Je n’observe aucune variation de vitesse ni d’assiette. Les cartes TEMSI de l’après-midi, consultées avant le départ de Montpellier, indiquaient le symbole de l’onde orographique. Le positionnement est plus près de la réalité qu’à l’aller. ”

Je retiens les points suivants de cet événement :
– ne pas exploiter la localisation des symboles au millimètre près,
– surveiller les paramètres de vol dans ces zones,
– ne pas hésiter à dialoguer avec le contrôleur. Si un avion m’avait suivi, il aurait peut-être rencontré le même phénomène. Un message de ma part aurait pu permettre, via le contrôleur, de le prévenir. »

***

Analyse

Quand vous pilotez, vous gérez votre machine, vous naviguez, vous surveillez la météo, et bien d’autres éléments encore qui vous permettent de rester en phase avec la réalité de la situation et ses évolutions possibles. Mais parfois, des déphasages apparaissent : vous doutez, des écarts surviennent, ou pire, vous passez « derrière l’avion ». Voici quelques menaces fréquemment rencontrées :

Menaces fréquentes en vol

  • Découverte : rencontre d’un phénomène d’onde orographique.

  • Confusion : entre deux classes d’espace aérien, vous pensez être protégé mais vous ne l’êtes pas.

  • Vigilance : perte de tours moteur par absence de surveillance.

  • Mauvaise utilisation : choix du mauvais réservoir, entraînant une dissymétrie.

  • Violation : vol en dessous de l’altitude de sécurité, générant des risques inutiles.

  • Changement : déroutement imprévu vers un terrain dont la piste est fermée.

  • Ambiguïté : GPS et carte donnent des informations contradictoires.

  • Divergence : désaccord entre les instructions du contrôleur et vos intentions.

  • Focalisation : absorbé par le GPS, vous oubliez votre environnement (ex. approche du VOR de Rambouillet).

La perte de la conscience de la situation est l’un des facteurs contributifs les plus fréquents dans les accidents. Quelle qu’en soit la cause — surcharge, distraction, modification de dernière minute — imposez-vous de rester méthodique. Même si vous vous égarez un instant, continuez à dérouler vos actions avec ordre et bouclez toujours la boucle.

Source : REC Info n°3 2010

Jean-Gabriel CHARRIER

Bons vols

 

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