Toute la communauté aéronautique s’intéresse de très près au stress chez les pilotes et notamment les forces aériennes. Le stress est un mécanisme de défense face à des situations menaçantes profondément enraciné, avec des symptômes qui altèrent (très) régulièrement les performances du pilote. Chaque individu possède un profil plus ou moins anxieux qui est le résultat, d’un parcours personnel depuis sa plus tendre enfance, ainsi que d’un héritage génétique.
Le stress un facteur contributif important d’accidents, et il est également à l’origine de nombreuses interruptions de formation. Une force aérienne a relevé que la performance de 80% de ses élèves pilotes était altérée par les effets du stress (avec des conséquences économiques sont très importantes). Dans l’aviation civile, l’importance du stress est également reconnue, nous trouvons ce sujet dans pratiquement tous les programmes de formation de l’aviation légère au transport public.
Lors de la sélection il existe des tests qui visent à mesurer la capacité des futures pilotes à résister au stress. Il s’avère que beaucoup d’entre eux se basent sur des données qui ne reflètent pas forcément la vraie fragilité de l’individu. Cette réalité est d’autant plus difficile à cerner si l’on sait que beaucoup de personnes anxieuses vont développer des stratégies comportementales destinée à ne rien laisser paraître de leur anxiété. Il est même suggéré que ce sont les personnes les plus anxieuses qui développeraient des stratégies de façade les plus efficaces. Donc, les personnes qui montreraient des signes d’anxiété ne seraient peut-être pas les moins fragiles !
Cette force aérienne a décidé d’abandonner sa batterie classique de tests pour utiliser de nouveaux outils de mesure de l’anxiété latente de ses candidats, dont la particularité est de court-circuiter toute pollution comportementale destinée à masquer cette fragilité. A partir de cette mesure des mécanismes de défense, des corrélations avec la performance des élèves pilotes en formation ont permis de valider cette nouvelle démarche.
Depuis la mise en place de ce nouveau processus de sélection le taux d’incident et d’accident a très fortement diminué. Il est précisé que l’amélioration constante des pratiques sécuritaires à contribuer à cette amélioration mais que cette nouvelle sélection a joué un rôle majeur. Entre 50 et 80% des élèves pilote rencontraient des difficultés liées au stress avec la première série de tests. Il n’y en a pratiquement aucun avec le nouveau protocole.
Là où ça devient intéressant c’est qu’on trouve à peu près les mêmes conclusions dans une autre force aérienne qui s’est également fortement impliquée sur ce sujet. Il n’est pas fait état de leur méthode de sélection mais seulement de résultats très impressionnants. Ils pondèrent eux aussi leurs résultats avec les évolutions dans leur exploitation (passage du Mirage III au F18), mais là encore ils concluent que la prise en compte de la problématique du stress a été l’élément crucial de cette amélioration de la sécurité.
Attention, vous allez être étonnés ; à partir de la sélection d’environ 800 candidats chaque année, seulement 2,5 à 3% des candidats possèdent un profil psychologique bien équilibré pour résister au stress. Et il est précisé que les candidats pilote de chasse représentent une population déjà plutôt équilibrée !
Plus de 95% des individus possèdent des mécanismes de défense qui vont venir altérer leurs performances. Chaque individu réagit avec une intensité qui lui est propre, qui est le résultat de son parcours personnel.
Laissons notre esprit vagabonder un peu. avec les bonnes performances en sécurité de certains pays sous l’éclairage du stress, comme le « Flegme britannique » !
N’oublions pas qu’il existe des stratégies de gestion du stress pour optimiser son potentiel. L’Armée de l’Air française n’est pas en reste :
Vers un nouveau modèle du stress et de l’adaptation : étude sur les élèves-pilotes de l’Armée de l’Air. Lefrançois, C. (2009, mars). Thèse de Doctorat de Psychologie Cognitive, Bourse CIFRE, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Saint-Denis.
Etude des relations entre cognition et émotion et de leurs impacts sur la performance de pilotes militaires. Fornette, M. P., Lefrançois, C., Fradin, J., El Massioui, F., Tijus, C., Delor, C., Chastres, V., Valot, C. & Amalberti, R. (2007).
Effets de techniques de changement cognitif sur la performance et les émotions des élèves pilotes. Fornette, M. P. (2006). Mémoire Master 2 Recherche en Psychologie des Processus Cognitifs – Université Paris 8 Vincennes Saint Denis.
Et si vous voulez en savoir un peu plus : Flight Stress de Alan Stokes et Kisten Kite.
Ainsi que :
Article précédemment publié en janvier 2011.
Photo de l’article de Daniel
Merci pour cet article fort instructif
Bonjour,
article fort intéressant. Je ne connais pas les tests que réalise l’armée Française sur ces pilotes. Où puis je me renseigner ?
Nous savons mesurer scientifiquement le niveau de stress et son impact sur une personne grâce à la variabilité cardiaque. Très utilisé dans le sport de compétition et dans des professions comme les urgentistes, les pompiers ces solutions simples aident les personnes à mieux comprendre leurs réactions, à connaitre leurs limites et leurs capacités de récupération.
Je serai intéresse pour vous proposer un essai de nos systèmes sachant que je ne connais pas les facteurs de charges limites de nos instruments.
Cordialement
Yann Micheli
Bonjour
Cette mesure de variabilité cardiaque est connue en aéronautique, j’ai personnellement descendu un jour un ILS au simulateur équipé de capteurs pour mesurer mon niveau de stress face à certains imprévus. Il existe des études sur le stress des pilotes basées également sur des mesures chimiques (urines). Vous devriez trouver des choses avec une recherche Internet (en anglais !). Si des personnes désirent vous contacter, qu’elles nous écrivent, on échangera vos mails. J’ai pas mal de souvenirs de pilotes qui étaient encore sous l’effet du stress juste après leur atterrissage. Récemment, un pilote de planeur débutant en vol local s’est empêtré dans une série de descendances qui l’on contraint à revenir se poser d’une manière peu commune. Si l’indicateur de mesure de stress possède une zone rouge, c’est clair ce jour là il était dedans !
Jean Gabriel