Voler en VFR (vol à vue) est compliqué, alors que voler en IFR (vol aux instruments) est (plus) simple. Cela mérite quelques explications.
Lorsque nous volons en IFR, nous sommes capable de rejoindre notre destination quelques soient les conditions de vol, ou presque, grâce à un domaine d’exploitation particulièrement étendu. Celui-ci se traduit par des compétences particulières côté pilote, des machines très bien équipées, beaucoup de règles, des consignes, etc. Tout ou presque est procéduralisé, cadré, régulé, contrôlé. Avant de partir en IFR, “c’est simple” : vous vérifiez la météo, vos minimas… Et chaque vérification doit entraîner une réponse binaire qui va m’autoriser à partir, ou non. Et dans 99 % des cas vous partez.
Contrairement au VFR, les formes grammaticales au futur ou au conditionnel qui pourraient remettre en cause votre vol sont peu nombreuses, comme les : « Il se pourrait que … et si … on verra … Quand ces interrogations existent en IFR elles trouvent la plupart du temps une réponse toute faite dans une procédure ou une consigne. Les plans B et C sont obligatoires et donc préparés (dégagement…). Bref, rien n’est laissé au hasard, “il suffit d’appliquer”. Cela pourrait vous paraître un peu réducteur, mais cela ne l’est pas tant que ça. La preuve ? Ça marche très bien, les chiffres sont là pour l’attester.
En VFR les données sont vraiment différentes. Votre machine n’est pas spécialement suréquipée, vous devez à tout prix éviter de rentrer dans les nuages (et Dieu sait s’il y en a beaucoup une fois là-haut), votre carnet de vol n’est pas très épais… Si le pilote IFR est capable de voler avec 500m de visibilité ou moins (atterrissage), de votre côté il vous faut au minimum 5km pour vous sentir pas trop mal, en dessous c’est l’angoisse qui commence à vous tarauder. Vous devez gérer, anticiper toutes vos trajectoires, contourner les zones. Alors que l’IFR arrive tout droit sur la balise pour se poser directement et prioritairement, le contrôle va vous demander de contourner cette même balise qui était pourtant bien pratique, pour vous reporter sur un point d’entrée que vous trouverez difficilement puisque les conditions médiocres.
D’un côté le pilote IFR évolue dans un milieu « fermé » c’est à dire très régulé, procéduralisé, contrôlé ou tout est fait pour éviter les aléas et les menaces, les doutes sont peu nombreux et quand ils surviennent ils sont rapidement levés. C’est la traversée de la jungle avec un tank.
De l’autre côté, le pilote VFR grenouille dans un milieu « ouvert » avec pas mal d’aléas, d’incertitudes. Et les ressources du pilote sont loin de pouvoir étaler toutes les situations, il faut sans arrêt être aux aguets. C’est la traversée de la jungle avec un couteau Suisse; pourvu que je ne fasse pas de mauvaises rencontres. En plus d’appliquer, un pilote VFR doit donc en permanence : analyser, juger, décider, anticiper, se méfier.
N’oublions pas un point essentiel. Cette facilité sous entend un bon niveau technique en IFR.
Alors voilà pourquoi l’IFR est plus facile que le VFR !
Bons vols
Article précédemment publié en 2012 légèrement remanié.
Alors à quelles moment un pilote de ligne doit t-il mettre à l’épreuve son jugement pendant un vol IFR si tout est deja cadré ?
Bonjour
Tout d’abord l’activité et les enjeux ne sont pas les mêmes. Le pilote VFR doit tâcher d’effectuer son vol en sécurité quitte à l’annuler, dans un environnement qui comporte de nombreux aléas. Le pilote de ligne doit assurer de son côté un très haut niveau de sécurité dans un environnement complexe et son jugement va intervenir sur des détails qui semblent anodins mais qui feront la différence.
Par exemple, on demande aux pilotes de rechercher des menaces pour les anticiper avant qu’elles ne se transforment en erreur. Pour un pilote privé, la menace c’est le mauvais temps, l’anticipation c’est le demi-tour, pour éviter l’erreur d’égarement ou pire la perte de contrôle de l’avion (passage IMC). Sa sécurité c’est d’éviter certaines situations. Même processus pour le pilote de ligne, mais ça se joue à un autre niveau. Si la menace c’est le mauvais temps, le pilote va anticiper la préparation de l’arrivée, pour éviter une surcharge de travail qui réduirait sa disponibilité et entrainerait des erreurs. Sa sécurité c’est de de comprendre la situation et de toujours avoir un temps d’avance sur elle. Dans les deux cas il y a une analyse, un jugement et une décision mais les niveaux de gestion des risques (le grain, le maillage) ne sont pas les mêmes.
Pour imager le propos sur les enjeux, le pilote VFR roule à vélo, le pilote régional est chauffeur de taxi et le pilote d’une compagnie Major prend l’autoroute avec son bus. Les risques ne sont pas les mêmes côté criticité : risque individuel, un passager, plein de passagers, et probabilité : vélo, ville, autoroute, mais tous les trois cherchent à anticiper les menaces : analyse, jugement, décision.
Maintenant côté pilote de ligne, c’est clair que les choses évoluent et c’est aujourd’hui un débat. L’éducation du jugement passe par la stimulation, comme pour un bébé qui est stimulé ou laissé dans son berceau à longueur de journée. L’élevage en batterie apporte des avantages mais aussi des inconvénients. Les américains sont en train d’y réfléchir.
La bonne stimulation serait peut-être de commencer par pas mal de vélo (aviation légère : beaucoup d’aléas), ensuite du taxi (aviation régionale : pas mal d’aléas) pour finir dans le bus (pas trop d’aléas) ? Il ne faut pas oublier l’Armée de l’Air qui stimule pas mal ses pilotes (et l’Aéronavale !).
Ancien pilote privé, je trouverais vraiment très utile d’inclure dès le début
de la formation de base des pilotes VFR l’acquisition réelle, obligatoire et
contrôlée d’une maitrise confirmée de l’appareil piloté dans des conditions de
Pilotage Sans Visibilité. Bien entendu sans générer en cela de qualif autre que VFR et avec
interdiction absolue de tout entraînement au PSV en vol réel sans la présence
d’un instructeur IFR.
L’acquisition de cette aptitude aurait pour seul objet de permettre une bonne
chance de survie aux pilotes confrontés accidentellement à des conditions météo
incompatibles avec le VFR. J’ai été conduit à vivre conrètement tout le bénéfice
d’un tel entraînement.
Pierre http://www.pierredh.com
Je suis d’accord avec tout ce qui a été écrit !
Je me permets de soumettre à la discussion deux autres points.
Le pilote VFR est dans l’immense majorité des cas, un pilote privé qui vole souvent pour son plaisir et qui, du coup, peut facilement annuler un vol s’il ne le “sent” pas!
Pour un pilote d’avions régionaux ou de ligne, la pression est différente car on ne lui demande pas s’il a envie de faire le vol. Le patron va demander une réelle argumentation pour annuler ou reporter le vol, car cela aura des implications financières. Certes, cela ne devrait rien à voir avec la décision d’exécuter un vol ou pas, mais cela existe et j’ai connu de jeunes pilotes pro qui ont accepté de partir dans des conditions limites (même si elles étaient réglementaires) alors que leur expérience ne les préservaient pas totalement. quelqu’un de plus ancien aurait su dire non, ou oui mais son expérience l’aurait mieux préservé.
Le second point est que même si de plus en plus les avions sont très bien équipés et automatisés, ils n’en restent que plus compliqués qu’un avion léger. De plus, et c’est là toute l’ambiguité des automatismes, ils sont capables d’amener l’avion bien mieux et beaucoup plus loin que le serait le meilleur des pilotes. Alors pourquoi garder un pilote dans l’avion? Pour parer à la défaillance des systèmes qui par définition vont plus loin que les capacités des pilotes! Il faut alors toute l’expérience, l’entraînement, l’anticipation pour pouvoir gérer une situation.
Quant à la nécessité de garder une part de capacité de manoeuvre d’un avion pour un pilote de ligne, je suis aussi d’accord pour dire que cela doit être incontournable et que le simu ne reste qu’un simu, aussi performant soit-il.
Vous me faites bien rire! Le vol VFR c’est pour ceux qui font des promenades en avion pas trop loin ou longtemps. Et peuvent annuler le vol dès le moindre doute avant ou pendant. On vol en IFR quand c’est du sérieux et pas pour le plaisir de faire une balade en l’air. C’est justement à ça que ça sert.
Avez votre sérieux vous rendez l’aviation tellement pointu que sa fait peur! 😉 lol!
Pas d’accord, si je puis me permettre. Je suis un “simple” pilote VFR, mais il s’avère que j’utilise cette compétence et les machines de mon club pour réaliser certains de mes déplacements pros. Evidemment, en cas de brouillard, ou de très forts vents, ou encore de plafond dramatiquement bas, je prends un autre moyen de transport, mais la plus part du temps, je passe, sur des vols A/R de 300 nautiques ou plus. Bref, le VFR ce n’est pas “que” pour les ballades. Il n’y a pas si longtemps, tout ou presque se faisait en VFR, et il y a encore bien des pays où vous n’êtes pas emmerdez pas des règles stupides. Mermoz se posait en VFR avec 500 m de visi…
L’avion est un monomoteur, non dégivré, plafond FL 150, équipé PBN (approches LPV). Il y a bien longtemps que je vole dans toute l’Europe, et depuis 22 ans, en IFR. Eh bien voici la réalité : je dois renoncer à certains vols ou dois les ajourner deux fois plus souvent que lorsque je volais en VFR. La raison : en VFR, les orages, on les voit et on les contourne, et le givrage n’existe pas. C’est d’une part pour maintenir mon niveau d’entraînement et d’autre, pour éviter la responsabilité de tenir compte des nombreux espaces aériens réglementés que je préfère malgré tout le vol aux instruments.