Un copain m’appelle ce matin et me raconte son vol de la veille. Retiré de l’aviation professionnelle il y a peu, mais toujours passionné par l’aviation, il va faire un tour à l’aéro-club proche de chez lui. Une sorte de retour aux sources, ayant fréquenté quelques décennies auparavant assidument les aéro-clubs. La discussion s’engage tout naturellement, mon ami sympathise avec les personnes présentes. Après quelques échanges entre passionnés, un pilote l’invite à l’accompagner pour un vol local. L’avion est sorti du hangar, “siège, pédales, ceintures”, et c’est parti. Il fait beau, le vol est très agréable, l’ambiance conviviale. Le pilote du club laisse son nouvel ami faire l’approche et l’atterrissage, mais à l’issue de celui-ci, selon lui, c’est une approche de Boeing, il est possible de faire quelque chose de beaucoup plus opérationnel : « Bouge pas, je vais te montrer ». Et c’est parti pour une démonstration d’un tour de piste « opérationnel »… qui va se terminer par un tassement de vertèbres pour le copain et un tassement du train d’atterrissage pour la machine !
Méfiez-vous
Le jour où vous entendez un pilote, qui n’est pas votre instructeur, vous dire : « Bouge pas, je vais te montrer », redoublez de vigilance, et le cas échéant dissuadez votre ami de faire étalage de capacités qu’il pourrait bien ne pas posséder.
Autres variantes pouvant précéder quelques ennuis
- « Attends, tu vas voir »
- « Ça va passer, je l’ai déjà fait »,
- « C’est pas trois nuages qui vont nous empêcher d’arriver »
- « La pompe à essence est loin… on va en avoir assez »
- …
Bons vols.
Bonjour,
Ayant clôturé récemment une carrière défense bien remplie de quelques 9000 heures comme pilote d’hélicoptère, je la poursuis actuellement en TP toujours Hélico. Egalement impliqué depuis longtemps dans la SV et le SMS et je me permets donc d’apporter une nuance à ce propos.
Ne voyons pas le tout négatif de la démonstration du plus ancien vers le plus jeune au travers du prisme nécessairement déformant d’un cas ponctuel teinté d’une maladresse toujours possible. Le cas particulier ne fait donc pas la règle, de mon point de vue, sinon, on risque de glisser encore plus dans l’Aéronautique, vers la plus mauvaise des compromissions.
Nous avons tous beaucoup appris, comme jeune pilote, des démonstrations métrées et très clean de ces anciens pilotes aux milliers d’heures de vol. Ces éducatifs étaient pour nous vitaux, mais ils ne faisaient pas partie intégrante à proprement parler de la formation, ils se situaient plutôt dans le « ressentit » que de l’explication de texte. Bref, comment se sortir d’une mauvaise situation ou surtout comment ne pas s’y mettre.
Ils préfiguraient les gestes potentiels qui peuvent sauver en cas d’événements imprévus, de procédures d’urgence, d’une dégradation importante de la situation et aussi, de ce qu’il ne faut surtout pas faire. Ceci n’est peut être plus systématiquement enseigné, pourtant, les situations pourries n’ont pas manqué tout au long de la carrière, en tout cas, merci à ceux qui nous en avait fait percevoir les contours !
Prenons donc garde à ne pas faire une règle du spectre d’un exercice mal réalisé comme cela peut toujours se produire dans notre métier, bref un cas d’espèce.
Je pense fermement que ces démonstrations ont un effet intellectuellement salutaire donc plus bénéfiques que destructives, elles permettent entre autre, de bien mesurer le chemin et l’effort qu’il reste à produire pour y arriver, c’est-à-dire, à refaire aussi proprement ce que le vieux commandant de bord vient de réaliser en toute sécurité.
Le niveau de pilotage n’est plus ce qu’il était, certes ! l’aisance en sortie de stage n’est plus la même, c’est un constat regrettable, un corollaire que nous pouvons tous malheureusement constater. Il concerne surtout l’acquis dans la gestuelle du pilotage, c’est-à-dire, à mon sens la capacité à ne pas se faire dépasser par la machine, à emmener le cockpit là on veut qu’il aille !
On le voit bien, à tous les niveaux, qu’il soient : de club, de professionnels, d’avions ou d’hélicoptères, l’actualité nous le rappelle promptement.
Ce constat assez brutal n’est pas imputable aux équipages, loin de moi cette idée, mais à la conjecture, donc à ce qu’ils peuvent s’offrir financièrement et aussi de ce que les stages actuels offrent comme prestation. De ce côté le bilan est similaire les heures de vol aux commandes ont été réduites à un niveau très surprenant. Bien entendu, le simulateur ne pouvant, évidemment tout compenser comme on voudrait bien le penser.
Du fameux risque zéro, malencontreusement inscrit dans notre constitution en passant par le sempiternel principe de précaution, ne prenons pas le risque de se passer, dans l’aéronautique, d’éducatifs puissamment démonstratifs. Ils sont somme toute pédagogiques, dans la mesure bien sûre, ou leur réalisation demeure dans un cadre professionnel bien défini.
Alors, le « Bouge pas, je vais te montrer » n’est condamnable que par la forme de son expression ou de celui qui la propose, mais pas sur le fond, c’est-à-dire le bien-fondé d’offrir au plus jeune l’occasion d’observer en direct, qu’il est possible de faire aussi bien, voir beaucoup mieux, avec le même niveau de sécurité.
Cordialement,
Je suis doublement d’accord, en tant que pilote et en tant qu’instructeur (commandes à droite). Je n’ai pas précisé que ce conseil s’adressait à un “cockpit particulier” où c’est le moins expérimenté qui est commandant de bord et qui veut faire une démonstration de ses habiletés, qui dans le cas présent, seraient supérieures à un pilote plus capé : tu vas voir, on peut faire plus court !
Jean Gabriel