Nous partions dans l’après midi de Londres Gatwick à destination de Nantes, puis Strasbourg, pour finir notre rotation à Lille. Après avoir obtenu l’autorisation de rouler, nous nous dirigeons vers le point d’arrêt de la piste de décollage. Ce jour-là, nous étions derrière une dizaine d’avions qui attendaient de décoller, comme nous, alignés sur deux files en parallèle. A l’approche de ce point d’attente, le contrôleur nous dit « monitor the tower on 124.225 ». Ce qui veut dire que nous devons changer de fréquence, et sans les contacter, attendre que l’on nous appelle. Cette procédure a pour but de ne pas encombrer inutilement la fréquence qui est alors utilisée pour les avions à l’atterrissage et au décollage. Le contrôleur nous appelle seulement quand c’est notre tour de décoller. Nous comptons les avions devant nous et nous évaluons notre départ d’ici quelques minutes. Quand vient notre tour, un avion est en finale et je comprends que le contrôleur, qui ne nous appelle pas, a décidé de le faire se poser avant notre départ.
Surprise !
Et là ! Quelle est ma surprise d’entendre le copilote, qui assurait la radio, demander au contrôleur un décollage immédiat, c’est-à-dire rapide ! Il avait décidé tout seul dans son coin que l’on pouvait décoller avant l’autre avion en finale pour l’atterrissage, et que cela méritait de braver la consigne ! Le contrôleur imperturbable : « XXX I call you back ». Je fais part des procédures au copilote sans en rajouter, et la suite n’est pas surprenante : alors que c’était à notre tour de décoller le contrôleur fait décoller l’avion sur notre gauche avant nous, s’ensuivent quelques atterrissages derrière, et nous perdons plusieurs minutes à cause d’un message complètement inutile.
L’affaire ne s’arrête pas là.
Nous arrivons à Nantes ; débarquement des passagers, embarquement. Quand nous respectons les horaires, notre place de parking nous permet de repartir sans nous faire repousser par un tracteur, ce qui nous fait gagner du temps. Vous voyez la suite arriver. Du fait de notre retard alors que nous étions prêt à repartir un autre avion est venu se parquer à nos côtés, et nous sommes donc obligés de demander un tracteur pour nous faire repousser, qui n’était donc pas prévu, et c’est une quinzaine de minutes supplémentaires de perdu.
Ce n’est pas fini.
Nous arrivons à Strasbourg avec une bonne demi-heure de retard, et déjà lors de l’approche, notre compagnie nous fait savoir que notre retard va poser des problèmes. Nous avions un créneau (une heure précise et imposée) de décollage vers Lille, du fait d’un trafic important dans le nord de la France, que nous ne pourrons pas respecter. Notre compagnie doit en négocier un nouveau, c’est encore un retard supplémentaire.
Belote à Londres, rebelote à Nantes, et dix de der à Strasbourg.
C’est avec plus d’une heure de retard que nous nous posons vers minuit à Lille ! Tous nos passagers en retard, du travail supplémentaire pour les agents de l’escale, une heure de sommeil en moins avant de repartir tôt le lendemain matin…
Les conséquences du non-respect de la consigne à Gatwick ne sont pas dramatiques, mais on perçoit dans cette rotation un enchaînement des écarts systématiquement dans le mauvais sens. Nous pouvons, lors des escales, rattraper du retard, ce n’était pas le cas ce jour-là. Le premier écart en a déclenché un autre (plus important), et encore un autre (encore plus important).
On retrouve le même enchaînement de coïncidences malheureuses dans les accidents, avec souvent à l’origine une simple erreur qui peut sembler anodine mais qui déclenche en fait tout le processus.
Bons vols