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Les SGS dans les clubs, quelques outils

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Sur quels paramètres un Système de Gestion de la Sécurité dans un aéro-club doit-il agir pour être efficace sachant :

  • qu’environ 80% des accidents aériens ont pour origine une erreur du pilote,
  • et que les deux erreurs les plus critiques chez un pilote sont les erreurs de décision et les erreurs de pilotage.

Concernant l’erreur de pilotage, quand par exemple un pilote fait une sortie de piste malencontreuse, son erreur de pilotage est le plus souvent la conséquence d’une erreur de décision, avec en amont une mauvaise appréciation des conditions de vol et (ou) de son niveau de pilotage, c’est-à-dire une erreur de jugement. Voici quelques chiffres qui démontrent l’importance de certaines erreurs.

Les erreurs

Durant ces 20 dernières années, 85 % des accidents en aviation sont dus à une erreur du pilote. National Transportation Safety Board (NTSB).

 Les erreurs de jugement

« Les erreurs de jugement qui conduisent les pilotes à prendre de mauvaises décisions constituent une grande part des causes d’accident (environ 80 %) ». Direction Générale de l’Aviation Civile Française.

 Les erreurs de décision et de perception

Dans pratiquement tous les accidents, plusieurs facteurs contributifs sont répertoriés (ce qui entraine des sommes supérieures à 100 %). Erreur de décision : 75 %. Erreur de perception : 75 %. Australian Transport Safety Bureau/Federal Aviation Administration

 Une mauvaise représentation de la réalité est à l’origine de la plupart des accidents

Dans approximativement 85 % des accidents, un défaut de conscience de la situation est mentionné comme facteur contributif à l’origine d’une erreur ou d’une mauvaise décision. Australian Transportation Safety Board.

L’erreur est une conséquence

L’erreur du pilote est la conséquence d’une situation particulière aux multiples composantes. Quelles sont ces composantes ? Des scientifiques se sont penchés sur notre activité pour les identifier et les classer en 4 niveaux en fonction de leurs relations plus ou moins directes à l’événement. Ces travaux (U.S. Navy and Marine Corps) se sont appuyés sur le modèle de REASON pour aboutir à un modèle d’analyse des déficiences humaines.

  1. Le premier niveau, Actes dangereux, ou niveau de défaillance active, concerne l’équipage. Nous retrouvons d’un côté les erreurs de perception (ou conscience de la situation), les erreurs de décision et les erreurs de pilotage. Et de l’autre côté les écarts, appelés parfois violation; écarts au règlement, aux consignes, pour des raisons de sécurité, pour des convenances personnelles, ou pour une autre raison.
  2. Le deuxième niveau, Conditions préalables, décrit les conditions préalables, ou conditions latentes directes, à l’événement : la météo (environnement physique), l’expérience du pilote (état de préparation)…
  3. Le troisième concerne la Supervision : contrôle, formation … : chef pilote, chef de secteur …
  4. Et enfin, le niveau le plus en amont est celui de l’Organisation. C’est le niveau du Système de Gestion de la Sécurité. Pour être plus précis c’est le niveau “des” organisations : Fédérations, DGAC, OACI… C’est la Direction Générale de l’Aviation Civile qui demande un SGS (EASA).

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Source : Forces canadienne

Les deux derniers niveaux sont appelés conditions latentes indirectes.

Le principal objectif d’un SGS vise l’amélioration des pratiques du pilote en réduisant la fréquence ou la gravité de ses erreurs et ses écarts, via les différents niveaux du modèle.

Note : le SGS traite également des autres aspects, comme la partie entretien des machines, nous nous intéressons ici au pilote, principal gisement d’amélioration de la sécurité (80%).

Commençons par les écarts aux règlements.

Soit le règlement est enfreint d’une manière délibérée pour des “convenances personnelles”; nous sommes dans le domaine de l’attitude avec une infraction possible. Soit, le pilote a violé une règle pour des raisons de sécurité, ce qui est rare, ou parce qu’il ne maîtrisait plus la situation, ce qui est plus fréquent. Celui-ci est effectivement rentré dans les nuages par inadvertance, ou il s’est retrouvé à court de carburant pour plein d’autres raisons. Ces derniers écarts n’étant que la conséquence d’un défaut de maîtrise, ils relèvent en amont  la plupart du temps d’une erreur de perception et (ou) de décision !

Intéressons-nous maintenant aux erreurs.

Commençons par les erreurs de pilotage. C’est très facile de réduire significativement ces erreurs. Quand un élève pilote est prêt pour voler de ses propres ailes, vous lui programmez 20 heures de vol en plus. Si vous voulez faire les choses bien, vous le formez pour obtenir son brevet professionnel ; ce sont les mêmes programmes et les mêmes avions (à peu de choses près). Hic ! Voilà une vraie difficulté, la formation n’est pas une variable d’ajustement facile à manier, elle a un coût.

Si nous considérons donc que M. Tout le monde à parfaitement le droit de voler, même peu entraîné, il ne reste plus que deux cases ! La perception, avec la situation du moment, la réalité des conditions de vol, mon niveau de pilotage… et la décision : de voler ou de repousser mon vol, de rester en vol local ou de demander à un autre pilote de m’accompagner, de prendre 50 litres de plus, de prévoir un plan B au cas où…

Enfin une bonne nouvelle.

A partir du 8 avril 2013 les instructeurs devront enseigner la Gestion des Menaces et des Erreurs (Traitement des Erreurs et des Menaces : TEM) à leurs élèves (vous le faites déjà en grande partie), c’est-à-dire anticiper les menaces, pour éviter de commettre une erreur de décision, de perception, ou de pilotage. Dans le schéma ci-dessus c’est la prise en compte d’une douzaine de cases dans le niveau 1 et 2 ! En effet, ce processus de formation s’appuie sur trois éléments essentiels pour la sécurité du pilote qui sont :

Les Facteurs Humains : je connais mes fragilité.

La Conscience de la Situation : je connais les risques de mon activité (perception, anticipation).

La Décision : j’évite de mettre mes ailes là où ça craint.

Formation TEM Processus

L’efficacité d’un SGS dans un club

Si le SGS décide de cibler la réduction des erreurs de ses pilotes, en sachant que l’amélioration du niveau de pilotage est limité pour les raisons évoquées précédemment, la solution Facteurs Humains avec l’arrivée du concept de Gestion des Menaces et des Erreurs offre des perspectives significatives d’amélioration de la sécurité (c’est d’ailleurs pourquoi il sera bientôt requis).

Et maintenant, posons-nous ces quelques questions ? Quel pourrait être l’impact des mesures suivantes prises par le SGS sur la sécurité de ses pilotes en considérant les chiffres sur l’accidentologie évoqués plus haut ?

– Faire approuver son dossier SGS par l’autorité .

– Etablir une procédure de vérification de l’entraînement récent des pilotes.

– Former/sensibiliser les pilotes sur l’origine de 80% des accidents et sur la façon de s’en prémunir.

Derrière ces questions se cache la finalité de vos actions. Les actions entreprises doivent viser une obligation de résultat (sécurité) et non une obligation de moyen (conformité, plan d’action…).

– Votre SGS va-t-il améliorer la conscience de la situation de vos pilotes (80% des accidents) ?

– Votre SGS va-t-il améliorer la qualité du jugement de vos pilotes (80% des accidents) ?

– Votre SGS va-t-il améliorer les connaissances en Facteurs Humains de vos pilotes (80% des accidents) ?

Une erreur à ne pas commettre

SONY DSCIl va falloir “nourrir” le SGS vis-à-vis de l’autorité. Or, l’expérience nous montre que vouloir tout mettre dans des petites boîtes réglementaires quand il s’agit d’une activité à risques est loin d’être un gage d’amélioration de la sécurité. L’arrivée du FCL en 99 a-t-il amélioré la sécurité ? Non. Quelle est la première qualité que l’on demande à un individu qui va se retrouver dans un environnement qui comporte des dangers qui évoluent d’un jour à l’autre, d’une minute à l’autre, qu’il découvre souvent seul… ? Ce sont ses capacités d’adaptation (objectif principal du processus de Gestion des Menaces, TEM). Alors vouloir chiffrer ou procéduraliser une activité qui se rapproche plus par certains côtés de celle du trappeur dans sa montagne que celle du pilote de ligne serait une erreur. En effet, les capacités d’adaptation d’un individus sont inversement proportionnelles au degré de procéduralisation de son activité. En clair, plus vous mettrez de procédures, moins il sera capable de s’adapter. Vous pouvez consulter également ce document.

On ne demande pas à un trappeur de formaliser son activité en procédures, en lui rappelant de mettre des petites croix pour les indicateurs du système qualité… (vous risquez un coup de fusil). Quand tout un système basé sur d’énormes moyens est derrière, comme le transport public, ça marche et même très bien. Mais si le SGS commence à s’immiscer dans les touch and go des pilotes en aviation de loisir, l’effet boomerang n’est pas impossible. En voici un exemple.

Une deuxième bonne nouvelle

Vous pouvez parfaitement introduire dans votre SGS une partie formation aux Facteurs Humains qui abordera des connaissances essentielles pour la sécurité de vos pilotes, en sachant que ces connaissances seront ensuite reprisent par les instructeurs vol qui enseigneront comment prendre de bonnes décisions.

  • Vous pouvez déjà trouver dans la partie documentation de ce site toute une série de fiches dans lesquelles vous pouvez piocher pour élaborer une petite formation sol Facteurs Humains d’une 1/2 journée.
  • Vous aurez également assez rapidement des outils numériques pour vous aider à confectionner et personnaliser vos propres supports pédagogiques.
  • Après la partie théorique au sol, vous trouverez bientôt un guide de formation en vol à destination des instructeurs destiné à enseigner la Gestion des Menaces et des Erreurs (ou Prise de Décision), qui reprend les connaissances et les concepts en vigueur dans le milieu aéronautique, que vous aurez auparavant développé dans la partie sol.

Avec ou sans SGS

La mise en place d’une formation aux Facteurs Humains avec sa partie vol Gestion des Menaces n’est pas forcément associée à un SGS. Le SGS pouvant être considéré comme un levier ou même pourquoi pas, comme une opportunité pour introduire les Facteurs Humains dans votre club.

Nous remercions l’armée de l’Air canadienne qui nous a gentiment autorisé à reproduire le document HFACS.

Bons vols

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One Comment

  1. 80% des accidents ont pour origine l’erreur du pilote ! ne serait-ce pas plutôt que 80% des accidents ont pour cause finale une action non désirable du pilote, qui elle-même est la cause dernière d’une suite de causalités ? l’erreur commune lorsque l’on veut parler de l’erreur est d’emporter dans l’analyse et préalablement à celle-ci son jugement analepse.
    oui la science facteur-humain est un moyen puissant d’amélioration de la sécurité à condition de s’abstenir de juger autant que faire se peut, en tout cas pas avant d’avoir examiner l’ensemble des pourquoi.
    d’autant qu’il ne sert à rien et n’est d’aucun résultat le fait de tancer le pilote en l’accusant de cette vulnérabilité. cet article a bien raison de mettre en avant l’échec annoncé d’une démarche qui neutralise au lieu d’analyser et d’éduquer par la conviction.
    l’erreur commune contre l’erreur est de vouloir résoudre ou éradiquer l’erreur. préférons à cela une description du pilote : – “voilà comme nous sommes.” suivie d’une explication : -” nous sommes ainsi pour telles raisons.” suivie encore d’une aide circonstanciée : -“nous pouvons reconnaître à tels indices que nous sommes dans telles dispositions et disposons alors de tels moyens pour revenir vers une situation autre.”
    pourquoi cela? parce qu’ici comme ailleurs et bien souvent dans cette science naissante, une polysémie néfaste embrouille les esprits. l’erreur, en tant qu’écart à l’intention est une chose. l’erreur en tant que faute, punissable ou non est tout autre chose. or, c’est bien souvent de cette dernière dont on parle lorsqu’on parle d’erreur de pilotage comme cause dernière ou cause unique de l’accident. douleur de l’accident et peine ne font qu’un, lesquels impliquent la peine de la faute et le jugement dans la recherche d’une cause de proximité, cause dernière : l’erreur de pilotage.
    aux instructeurs il faut fournir les moyens d’être des analystes et des exemples et surtout pas des juges ou des censeurs. dans les clubs ce n’est pas une nouveauté mais pour la science facteur-humain c’est presque une révolution.

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