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La mauvaise piste avec quatre pilotes à bord

Bonjour, je souhaiterais vous faire partager une expérience d’erreur collective qui peut arriver à de nombreux pilotes. Nous étions quatre pilotes à bord d’un PA28 et nous rendions à un rassemblement aéronautique sur le terrain de Saint Affrique en plein mois d’août. En raison du grand nombre d’avion arrivant en même temps, le terrain était “contrôlé”.

Les deux pilotes en place avant avaient déjà pratiqué ce terrain. Pourtant, la couleur de la végétation était très différente de leurs souvenirs (herbe seiche brune) et nous avons eu du mal à repérer le terrain alors que nous étions en contact avec le contrôle. Tous les pilotes ont été mis à contribution pour le repérer.

A notre arrivée, quatre avions étaient dans le circuit. La piste en service était la 30. Le pilote a fait une approche très rapide et a réduit tardivement les gaz pour s’introduire en vent arrière. La encore, tous les pilotes se sont focalisés sur le repérage des appareils en tour de piste.

Tout s’est bien passé jusqu’à ce que j’aperçoive le numéro de piste sur le bitume alors que nous étions en finale : c’était la 12 ! Un peu paniqué, je dois dire, j’ai “informé” le pilote de l’erreur en cours et il a immédiatement quitté le circuit vers le sud. Après un moment de lourd silence, le pilote s’est intégré en vent arrière 30 et a atterri sans encombre.

Après en avoir longuement discuté avec les autres pilotes, nous avons identifié au moins trois facteurs ayant conduit à cette situation dangereuse :

– la recherche du terrain a focalisé notre attention et certainement celle du pilote qui n’a pas pris le temps de préparer son intégration.

– L’approche rapide du pilote nous a tous surpris.

– la participation de tous à la détection des autres appareils a entraîné un certain désordre et une cacophonie dans l’interphone. Ceci a certainement fortement déconcentré le pilote.

Lors de notre formation, nous sommes tous informés que le commandant de bord est détenteur de l’autorité. J’espère que ce récit fera prendre conscience à d’autres pilotes que cette autorité doit s’exercer pleinement par le pilote désigné commandant de bord lorsque plusieurs pilotes sont à bord et ce, quelle que soit l’expérience relative des pilotes présents.

Les commentaires de MentalPilote.

Le premier commentaire qui vient à l’esprit c’est qu’il y a quatre pilotes à bord et que tout le monde s’est fait piéger. C’est-à-dire que la plupart des pilotes dans une situation similaire pouvaient se faire avoir.

Après en avoir longuement discuté avec les autres pilotes, nous avons identifié au moins trois facteurs ayant conduit à cette situation dangereuse… François nous fait part de son analyse qui révèle effectivement les pièges dans lesquels ils sont tous tombés, notamment la focalisation de l’attention (cliquez ici: page 3) sur, la recherche du terrain et ensuite sur une veille anti collision des autres trafics, au dépend de la gestion du vol.

Les deux pilotes en place avant avaient déjà pratiqué ce terrain. Pourtant, la couleur de la végétation était très différente de leurs souvenirs. C’est sans doute un premier élément de déstabilisation. L’équipage s’attend à voir quelque chose qui n’arrive pas, toute l’attention est portée sur la navigation.

Tous les pilotes ont été mis à contribution pour le repérer. Dans certaines machines où le travail en équipage est très codifié, l’organisation des tâches n’est pas toujours simple, alors dans ce vol avec quatre pilotes à bord et sans consignes particulières… François évoque une cacophonie.

… J’ai informé le pilote de l’erreur en cours et il a immédiatement quitté le circuit vers le nord. Une fois l’erreur détectée, certaines situations exigent une réponse rapide, c’était le cas. Cette capacité à rebondir rapidement pour passer d’un schéma à un autre est essentielle dans une activité où la « dynamique » peut-être très importante (dans certaines situations il ne faut pas avoir les deux pieds dans le même sabot !).

Lors de notre formation, nous sommes tous informé que le commandant de bord est détenteur de l’autorité. Effectivement, mais ce n’est pas forcément le plus expérimenté. Si vous êtes plus expérimenté, le mieux c’est de vous accorder avant le vol et lui précisant que vous pourriez être amené à lui suggérer une option, lui préciser certains détails… Cela doit se faire le plus naturellement du monde. Par contre, avec quatre personnes à bord ce sont les deux pilotes devant qui doivent communiquer entre elles, et seules des informations de sécurité (anti-abordage dans ce vol) doivent motiver une intervention des pilotes qui sont à l’arrière. Si le commandant de bord est un peu débordé, le pilote en place droite peut le soulager : je te fais la radio … L’idéal serait que cela soit planifié en amont. Imaginons le scénario suivant :

« Je vous fais un briefing arrivée : il y aura sans doute pas mal d’avions dans le circuit avec le rassemblement, la sécurité extérieure est donc primordiale. Derrière, vous assurez également la sécurité et vous intervenez si vous voyez un trafic qui pourrait nous gêner. François je propose que tu prennes la radio, et comme tu es plus expérimenté que moi tu n’hésiteras pas à me diriger dans mes trajectoires pour le tour de piste, si je suis trop étroit, ou en fonction des autres avions. S’il y a vraiment beaucoup de trafic, en fonction du contrôle je … etc. Des questions ? Non, ok le terrain est estimé à 03 et on devrait voir la piste sous 45° environ avec en arrivant un virage à gauche vers la vent arrière 30. »

Il faut souligner que dans la hiérarchisation des priorités, c’est la vigilance extérieure qui s’imposait et qu’elle a été assurée.

Ce vol ressemble beaucoup à un autre vol (cliquez ici) où l’équipage d’un avion de ligne s’est posé à Bruxelles en croyant se poser à Franckfurt. Il y a au moins deux traits communs : la pression extérieure qui ne laisse aucun répit aux pilotes, et une succession de petites choses qui s’enchaînent toutes dans le mauvais sens.

Dans le domaine technique il existe une méthode qui consiste à visualiser la piste en service et ses trajectoires d’arrivée sur le conservateur de cap, si la machine en est équipée. Par exemple, sous quel angle je vais rentrer dans la vent arrière, dans quel sens je vais virer ? Quand vous vous apprêterez à virer en vent arrière, cette mise en mémoire effectuée peu de temps auparavant (c’est le rôle des briefings), le risque de se tromper de piste sera quasi nul. Cette visualisation de l’axe de la piste est également une indication quand vous la chercher en vol.

Les pilotes sont plus ou moins fragiles face à certaines situations, après cette expérience ces quatre pilotes sont certainement très bien armés pour éviter qu’un tel scénario se renouvelle. A méditer pour ceux qui n’auraient pas encore donné !

Bons vols

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