LE BLOG, PILOTE PRIVE

Savoir utiliser ses systèmes en vol !

L’avion se dirige vers un mauvais point qui a été rentré par erreur dans le GPS. La programmation avait été faite avant le vol, aucune vérification n’ayant été faite en vol.

Le pilote demande une clairance pour rentrer dans la CTR. Le contrôleur aérien s’aperçoit que le pilote est déjà dans son espace depuis un bon moment et qu’il interfère avec les circuits de piste. Le pilote répond que son GPS lui donne une autre position.

Le contrôle demande au pilote de vérifier sa navigation qui ne correspond pas aux trajectoires requises. Le pilote répond que son GPS est en panne.

L’avion arrive sur un point d’entrée proche du circuit de piste, à partir duquel il doit virer vers le vent arrière, ce qu’il ne fait pas en poursuivant son vol sans changer de cap. Le contrôleur intervient rapidement et le pilote s’excuse en expliquant qu’il était en train de reprogrammer son GPS.

L’analyse d’une collision en vol a démontré qu’un des deux pilotes était en train de programmer son GPS au moment de la collision, pendant que l’autre pilote portait son attention sur un exercice qu’il était en train d’effectuer à l’aide de repères sol.

Le pilote programme un « direct to » vers sa nouvelle destination. Malheureusement sur cette nouvelle route le relief monte à 3000ft mais il n’y a que 1500ft de plafond.

Le pilote d’une machine détruite en arrivant dans les arbres en bout de piste explique aux enquêteurs que son GPS est tombé du tableau de bord pendant le décollage pour venir bloquer les commandes.

Le GPS tombe en panne de batterie pendant la navigation. Le pilote est alors complètement désorienté, bien qu’il soit proche d’un aérodrome, sa quantité de carburant diminue et il envisage de se poser dans un champ.

Les conditions sont très mauvaises, seules les indications du GPS permettent au pilote de poursuivre sa navigation. Les conditions se dégradent encore un peu plus, il ne fait pas demi-tour…

C’est le GPS qui a été retenu pour choisir ces événements significatifs, le sujet qui suit englobe plus généralement l’avionique moderne.

Note : les photos de cet article sont de Daniel sauf celles du planeur et de l’hélicoptère.

Systèmes de navigation

Plusieurs fonctions sont définies dans l’activité du pilote : fonction pilotage, fonction navigation, fonction mécanique, fonction radio. Ce chapitre système de navigation couvre à la fois le domaine de la navigation et celui du pilotage en mode automatique, qui sont intimement liés.

L’avionique moderne

L’avionique moderne est une source de sécurité et de confort pour le pilote, elle permet également d’optimiser les performances de la machine. Nous pouvons inclure dans ce périmètre un simple GPS dont les caractéristiques d’utilisation et les précautions d’emploi ont de nombreux points communs avec la plupart des systèmes de navigation évolués.

Beaucoup d’avantages

L’intérêt essentiel des systèmes de navigation performants est l’amélioration de la conscience de la situation. Le temps devient brumeux à l’approche de votre destination mais votre GPS va vous aider à rejoindre directement le terrain ou son point d’entrée sans difficulté particulière. Imaginez-vous avec une instrumentation classique : en arrivant dans la brume vous éprouverez des difficultés et vous deviendrez de plus en plus anxieux au fur et à mesure que la visibilité diminue. C’est un autre avantage de ces systèmes, beaucoup de doutes disparaissent ou s’atténuent, donc le stress avec ses effets négatifs sera moins important. C’est un autre facteur positif qui est loin d’être négligeable.

Quelques précautions

Dans les progrès technologiques, il y a des avantages mais il y a également des inconvénients qu’il convient de connaître ainsi que leurs mesures d’atténuation.

Vous êtes tranquillement en vol et vous pianotez les touches de vos équipements pour découvrir de nouvelles fonctions. Si vous devez effectivement découvrir l’utilisation de votre équipement en vol, les connaissances nécessaires doivent s’acquérir au sol, pas en vol.

Le choix du niveau d’automatisation doit être judicieux. Prenons l’exemple du mode Nav qui est très pratique mais qui peut avoir l’inconvénient d’abaisser votre niveau de vigilance alors que la situation nécessite votre attention, comme le contournement d’une agglomération. Le mode Heading vous oblige alors à rester dans la boucle de pilotage de vos trajectoires, il améliore votre conscience de la situation.

Qui ne s’est pas trompé de mode en utilisant ses automatismes ? Le mode Heading à la place du mode Nav ou d’autres confusions similaires ? Les règles de l’art s’imposent : action/vérification. Toute action doit être suivie d’une vérification, et l’annonce à haute voix du mode utilisé une fois affiché est recommandée même en monopilote. La navigation peut se faire à partir des bases de données, mais la cohérence des données choisies après leur insertion doit être vérifiée : si votre prochain point se situe à 5000 nautiques, ou dans le nord alors que vous vous dirigez vers le sud, c’est qu’il y a un problème ! Vous devez croiser les informations de ces systèmes avec une autre source pour vérifier cette cohérence.

Il n’est pas question ici de lister toutes les bonnes pratiques d’utilisation de ces systèmes mais simplement de souligner la rigueur nécessaire quand vous les utilisez. Si vous décidez de transférer une fonction importante à un système, comme le pilotage avec le PA, ou la navigation avec son mode NAV, vous devez avoir des certitudes sur les modes que vous allez sélecter.

Des menaces particulières

Suivant le concept de Gestion des Menaces et des Erreurs, vous devez anticiper les menaces qui entraineraient des erreurs et (ou) finalement des situations indésirables. Voici quelques situations caractéristiques qui pourraient vous fragiliser mais dont la connaissance peut vous aider à anticiper :

Si vous ne volez pas beaucoup ou si vous découvrez un nouvel équipement de navigation, attention à la charge de travail que cela va induire dans certaines phases du vol (si vous ne l’avez pas programmé au sol). L’attention portée à la gestion de ce nouveau système peut rapidement se transformer en focalisation avec une perte de conscience de votre environnement immédiat comme la veille extérieure.

Quand vous arrivez sur un terrain, les trajectoires doivent être de plus en plus rigoureuses et votre veille extérieure devient la priorité. Ce n’est pas le moment de chercher un point dans votre GPS. Comme beaucoup de systèmes, c’est parfois dans les moments les plus délicats où nous en aurions le plus besoin qu’ils sont les plus difficiles à utiliser.

Indépendamment de la veille extérieure, la charge de travail va s’accroître avec l’utilisation des automatismes en cas d’aléas comme un changement de piste ou de point d’entrée. Ces tâches supplémentaires peuvent entraîner sous la pression temporelle des erreurs lors des différentes étapes nécessaires à la reprogrammation du système.

Des trajectoires rigoureuses vers un point ou vers votre destination c’est une chose, mais la conscience de ce qui se trouve entre vous et votre destination en est une autre. Sans la perception et la compréhension de votre environnement le long de votre trajectoire, les risques sont : votre machine face à un relief va se transformer en missile ; quand vous pénètrerez par mégarde dans un espace aérien interdit vous deviendrez un contrevenant ; quand vous passerez sous un cumulonimbus vous serez celui qui regrette beaucoup de choses !

Vous devez veiller à ce que ces systèmes performants et très utiles ne vous entrainent pas dans des situations périlleuses qui pourraient vous dépasser. Ils doivent améliorer votre conscience de la situation et non la diminuer. Vous devez donc maîtriser votre machine, sa trajectoire, mais également votre environnement. Les facilités offertes par ces systèmes ne doivent pas entrainer un déséquilibre au profit de la maîtrise de vos trajectoires et aux dépens de la maîtrise de votre environnement.

La prise de décision

L’analyse des accidents montre qu’ils sont le résultat d’une faible expérience et de mauvaises décisions. Le thème qui revient alors le plus souvent est la poursuite d’un vol à vue dans des conditions de vol sans visibilité.

Comparons une situation de mauvais temps avec un avion sans équipement particulier, et l’autre équipé d’un GPS. Le pilote dans le premier avion sans GPS va d’abord être confronté à des difficultés pour maîtriser sa navigation et la décision de modifier sa route interviendra normalement avant de rencontrer des conditions de vol marginales. Avec un GPS, ce point de décision va reculer et la marge entre ce point de décision et les conditions IMC va du coup se rétrécir. La surconfiance qui apparaît généralement avec l’utilisation de ces équipements repoussera également ce point de décision qui pourra alors dépasser un seuil critique au-delà duquel l’avion passera en IMC. Dans le chapitre consacré aux erreurs, nous avons souligné que l’erreur de décision est une des erreurs les plus critiques.

Les retours d’expérience

Une étude a révélé que les « pilotes suréquipés » prennent plus de mauvaises décisions comparativement à d’autres pilotes utilisateurs d’équipement plus sommaires. L’utilisation de ces équipements s’accompagne d’une procéduralisation importante des tâches qui peut expliquer en partie une diminution des capacités d’analyse. Cette dérive serait également constatée en aviation générale chez les pilotes formés sur des avions équipés d’une avionique moderne.

Effectuons un parallèle avec l’introduction des automatismes de pilotage dans l’aviation de transport. Des études ont démontré une perte de compétence dans le pilotage de base qui était de moins en moins sollicité, avec une dégradation encore plus marquée dans les situations dégradées, qui s’expliquerait en partie par une dégradation du circuit visuel.

Pour les mêmes raisons, les pilotes habitués à utiliser les automatismes hésitent à repasser en manuel lors des situations dégradées, ou repoussent le moment de le faire (quand c’est nécessaire), comparativement à des pilotes habitués à utiliser des avioniques plus classiques.

Toujours sur les avions fortement automatisés (Flight Management System) un pilote de transport, qui vole donc de manière très régulière, voit ses capacités (routines) de gestion des automatismes diminuer au bout de trois semaines. Les évolutions des équipements en aviation légère, derrière les progrès technologiques, ne doivent pas masquer les limites humaines. Il existe une stratégie qui consiste à n’utiliser que quelques fonctions basiques parfaitement maîtrisées qui vous permettent malgré tout de gérer parfaitement votre vol, plutôt que de vouloir tout utiliser mais sans le niveau de maîtrise nécessaire.

Ce que vous devez retenir

  • L’avionique moderne est une source de sécurité, mais avant de lui confier la gestion des trajectoires ou du pilotage, il y a des précautions d’emploi à connaître.
  • Le principal intérêt des systèmes de navigation performant est d’améliorer votre conscience de la situation.
  • Les automatismes font très bien ce que les pilotes savent faire très bien et ils font très mal ce que les pilotes ont des difficultés à faire : situation dégradée (panne)…
  • Les automatismes ne réduisent pas la charge de travail dans les moments où le pilote en a le plus besoin.
  • La focalisation trop importante du pilote sur ces systèmes est un problème récurrent à l’origine d’incidents et d’accidents.
  • L’automatisation, les systèmes de navigation modernes entraînent une surconfiance et une baisse de vigilance. La confiance s’installe très vite, la perte de vigilance également.
  • Avec un simple GPS, vous serez tenté de reculer votre point de décision au-delà d’un seuil critique à partir duquel vous vous retrouverez dans une situation dangereuse (mauvais temps, IMC).
  • Il vaut mieux privilégier la maîtrise des quelques modes basiques indispensables plutôt que chercher à maîtriser toutes les fonctionnalités du système en tâtonnant.
  • Les facilités offertes par les systèmes de navigation évolués ne doivent pas entraîner un déséquilibre au profit de la maîtrise de vos trajectoires et aux dépens de la maîtrise de votre environnement.
  • Le niveau d’automatisation doit être adapté au temps disponible : pilotage manuel, automatisme simple, modes programmés en fonction du besoin à court, moyen ou long terme.
  • Les systèmes programmés reportent les erreurs dans le temps (erreurs latentes) : une erreur sur un point peut n’apparaître que bien longtemps après sa programmation, à un moment ou la vigilance est faible.

Bons vols

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