LE BLOG, PILOTE PROFESSIONNEL

La bonne attitude

Une étude s’est intéressée à l’engagement des employés au sein de leur entreprise. On y découvre que 25% d’entre eux sont investis dans ce qu’ils font pendant que 55% effectuent correctement leurs tâches, mais sans engagement particulier, et enfin les 15% restant ne se sentent pas du tout concernés par ce qu’ils font.

Une étude similaire (sur nos comportements) a été effectuée dans notre milieu pour mesurer l’influence de la culture de la sécurité. En effet, celle-ci va agir sur notre attitude et donc sur la façon dont on fait les choses. Ses résultats sont très parlants. Dans les postes de pilotage un bon indicateur de la performance c’est le nombre d’erreurs et leurs conséquences, le super pilote ne commettant aucune erreur, ou presque… ! Or, l’apparition de ces erreurs varie de 1 a 4 suivant la qualité de cet engagement, et leurs conséquences (négatives) peuvent être cinq fois plus importantes.

Cet engagement comporte trois dimensions, ou trois « énergies » particulières :

  • une énergie émotionnelle qui joue un rôle important avec des aspects positifs tel que la motivation mais également des côtés négatifs comme le stress ;
  • une énergie mentale, la concentration ou la vigilance, qui va faciliter ou non l’accomplissement de vos tâches ;
  • et enfin une énergie physique. Cela consiste à être avant tout en forme sachant qu’une mauvaise condition physique favorisera l’apparition de symptômes perturbateurs.

Analysons de plus près ces différents facteurs qui vont agir sur notre performance mais également et d’abord le terreau sur lequel elles vont prendre racine. Ce terreau s’appelle la culture. Ce sont vos croyances et vos valeurs qui vont conditionner votre attitude, c’est à dire votre façon d’agir. N’oublions pas le contexte qui peut également influer sur votre façon d’agir avec de la pression (sociale, temporelle…). Donc avant même que vous ayez commencé votre tâche, la façon dont vous allez vous en acquitter ne sera pas forcément celle de votre voisin. La tâche ainsi perçue, votre attitude va conditionner votre énergie mentale avant de passer dans le filtre des émotions. Une autre source d’énergie qui va activer la qualité de votre motivation et finalement vos intentions.  N’oublions pas le côté affect des émotions, on retiendra ici leur aspect négatif, à savoir le stress.

Tous ces filtres passés, la qualité de votre engagement personnel sera la résultante de vos intentions (vouloir) plus ou moins raisonnables, de votre stress (pouvoir) et de votre physiologie (pouvoir).

Prenons deux pilotes, Patrick et Christian ; ils fréquentent dans le même club et s’apprêtent à partir chacun de leur côté pour aller sur la côte avec leurs amis.

La culture

Patrick connaît bien les risques de son activité et son parcours personnel et professionnel lui ont appris qu’il était vulnérable.

Christian pense que voler n’est pas plus dangereux qu’une balade en voiture, et comme la plupart de ses congénères il se croit meilleur que les autres, il ne se sent pas concerné par les accidents.

La pression

Patrick a remarqué la veille que la météo n’était peut être pas si bonne et dans le doute il a prévenu ses amis d’un changement possible de destination le lendemain. Pas de pression !

Christian en arrivant le matin s’aperçoit que la météo n’est pas terrible le long du trajet et il n’a vraiment pas envie de décevoir ses amis.

L’attitude

Patrick en analysant les conditions de vol prépare son plan B au cas ou… Il confirme également à ses passagers un potentiel changement de destination.

Christian analyse les données météo et il en retient ce qu’il a envie de retenir : il fait beau à l’arrivée et il ne s’est jamais dérouté.

Les émotions

Patrick maîtrise la situation, il est calme avec du recul sur son vol.

Christian face à certaines incertitudes, sans plan B, devient anxieux. D’un tempérament plutôt nerveux, son pilotage devient heurté.

Le stress

Patrick rencontre du mauvais temps, il n’est pas surpris, il connaît les symptômes du stress et il sait que plus rapidement il prendra une décision, meilleure elle sera. 

Christian rencontre le mauvais temps, il a du mal à réfléchir, tout se brouille dans sa tête ; il subit la situation.

La motivation

Entre la sécurité et l’objectif initial du vol Patrick n’hésite pas et il fait demi-tour.

Christian décide d’insister encore un peu malgré des conditions défavorables, il est si près du but.

Les intentions

Patrick est capable de mettre en œuvre ses intentions (raisonnables), à savoir revenir vers la zone de beau temps, car il a toujours veillé à rester dans son domaine de compétence.

Depuis le début de ce périple les intentions de Christian n’étaient pas très raisonnables et quand bien même elles le devenaient maintenant, entre le stress qui le liquéfie et le mauvais temps, il est incapable de faire demi-tour, les nuages se sont refermés derrière lui.

L’engagement

Cet exemple n’est pas si caricatural. L’engagement de Patrick lui a permis de toujours avoir un temps d’avance sur les évènements. Sous l’angle des erreurs, Christian les multiplie : erreurs de jugement, erreurs de décision… Avec un peu de chance, si le comportement de Christian ne change pas, il s’arrêtera de voler à force de se faire peur !

Conclusion

Le sujet est crucial le niveau de risque (niveau d’accidentologie) varie facilement de 1 à 4 chez les pilotes.

Plus le milieu d’activité sera « ouvert », c’est à dire peu normé ou procéduralisé, plus la qualité de cet engagement sera importante.

Le terreau ? La culture de la sécurité : je suis vulnérable (prudent) et (encore mieux) je connais mes vulnérabilités (niveau de compétence…).

Bons vols

C’est Daniel qui a pris la photo du bandeau.

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One Comment

  1. JM Alard

    Pour faire le lien avec l’article de Christophe Brunelière sur la peur, je comprends de cet excellent article que la peur n’est qu’une forme de la prise de conscience, ou de la compréhension inconsciente d’une erreur. A ce titre, elle doit nous faire réfléchir. Une peur en vol ne doit-elle pas faire rechercher l’erreur qui l’a causée. Elle mérite une analyse à posteriori rigoureuse et lucide. En ce sens, elle est aussi structurante que l’erreur dont elle est le signe. C’est pourquoi sans rechercher à “se faire peur”, toute peur est une occasion de progresser (à mon sens), moyennant analyse “a posteriori” puis correction “a priori”, lors des prochains vols, de l’erreur qui l’a causée.
    Me trompe-je, Jean-Gabriel?

    PS : Attention! Des chercheurs marseillais ont démontré que des babouins sont capables de “lire” des mots anglais de 4 lettres. Ne viendront-ils pas (les babouins!) un jour participer à ce blog en sachant passer le filtre anti-spam du site? (http://gsite.univ-provence.fr/gsite/document.php?project=lpc)

    Amitiés

    JM

    Reply

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