RISQUES

Une consigne de sécurité n’est pas une contrainte

 

safety-first

Préambule

En vol, nous sommes parfois confrontés à des situations qui nécessitent un traitement rapide mais nous ne devons pas faire n’importe quoi. Si les circonstances le permettent, nous prenons des « mesures conservatoires ». Nous nous mettons du bon côté des choses et ensuite nous réfléchissons.

La culture de la sécurité

La culture de la sécurité peut se définir comme un ensemble de croyances et de valeurs communes à un groupe de personnes qui vont agir sur leur manière de penser et leur façon de faire. Posséder une bonne culture de la sécurité est donc un facteur de sécurité supplémentaire qui va venir compléter le filet de sécurité des normes règlementaires, des procédures…

Cette culture peut être négative, par exemple si le pilote se sent invulnérable ou si la sécurité est vécue comme une série de contraintes. Elle augmente alors la probabilité des déconvenues.  À contrario, une culture positive va se traduire par une attitude responsable vis-à-vis de la sécurité. Elle diminue la probabilité des déconvenues.

Un pilote qui possède une bonne culture de la sécurité prendra en compte la dimension sécurité alors que rien ne l’y oblige. Il possède une tendance naturelle à lever les doutes, il est plus vigilant, plus rigoureux, plus prudent. Et il anticipe.

Alors que la météo n’est pas folichonne un alpiniste poursuivra son ascension, là où un autre rebroussera chemin. Dans cette famille les médicaments sont rangés dans un tiroir à la portée des enfants en bas âge qui gambadent dans la maison. Chez les voisins ils ont été placés dans le haut d’un placard, hors de portée de leur progéniture.

Pour confirmer ces différences, d’autres études nous montrent que les pilotes ayant une bonne culture de la sécurité récupèrent la moitié de leurs erreurs, alors que les moins concernés par cet aspect du vol, en récupèrent trois fois moins. Idem pour les situations indésirables, dont les deux tiers sont récupérées par les pilotes possédant une forte culture de la sécurité, et seulement quatre fois moins pour les autres. Les personnes peu sensibilisées à la sécurité commettent donc beaucoup plus d’erreurs et ils en récupèrent beaucoup moins.

Des différences importantes

Cette manière d’agir va être conditionnée par votre nationalité. En effet, chaque pays possède ses croyances et ses valeurs en matière de sécurité qui vont déteindre sur les politiques de gestion des risques, sur les organisations et finalement sur les individus. C’est l’une des raisons qui explique les écarts de sécurité importants que l’on constate d’un pays à l’autre. Regardons avec quelques chiffres le cas de la France :

  • Dans le domaine de la sphère privée, concernant les accidents de la vie courante[1], la France est un pays d’Europe ou la mortalité est l’une des plus importante : 24 décès pour 100 000 habitants contre 18 décès pour 100 000 en moyenne en Europe.
  • En ce qui concerne la prévention des accidents chez les enfants, qui est un bon indicateur de nos comportements personnels vis-à-vis du risque, la France se classe à la 22e place sur 31 pays[2]. Les écarts peuvent être importants puisque les jeunes français ont trois fois plus d’accidents que les enfants finlandais.
  • Penchons-nous sur le monde du travail et nous retrouvons la France en dernière position des pays européens pour ce qui concerne les accidents du travail et corrélativement en dernière position sur la communication des risques au travail[3].
  • La France a divisé par deux le nombre de ses accidents en automobile sur dix ans[4]. Mais regardons toutefois le chemin qui peut être parcouru en constatant que ce taux d’accident est toujours deux fois plus élevé que chez les britanniques qui ont progressé pareillement.

Nous serions trop sûrs de nous, d’après la SOFRES à propos des accidents domestiques. Et pour Alain Martinez-Fortun[5] « En France la sécurité est synonyme de contraintes pénales ».

Le poids de l’état en France dans notre quotidien est très important, beaucoup plus que dans de nombreux pays. Nous serions infantilisés en éprouvant un sentiment de rejet pour les règlements en général, dont les règlements de sécurité, les consignes…

Une prise de conscience

Dans le transport aérien, un milieu très normé qui applique les mêmes règlements aériens internationaux, le niveau de sécurité au sein des compagnies aériennes est très variable. Nous percevons derrière ces différences l’importance de la culture de la sécurité, c’est-à-dire de nos comportements.

Ces derniers peuvent évoluer à partir d’une simple prise de conscience. Savez-vous par exemple que les accidents de la vie courante, avec 20 000 décès par an et 10 millions d’accidents, sont cinq fois plus nombreux que les accidents d’automobiles et vingt fois plus que les accidents du travail.

Une fois conscients de cette réalité, nous pouvons nous pencher sur la nature des risques. Si les enfants finlandais ont trois fois moins d’accidents que mes enfants, je vais être plus vigilant sur leur quotidien, sur leurs activités.

Un autre exemple de connaissance qui peut nous amener à modifier nos comportements. Un accident de voiture vient de se produire. Les trois personnes à bord ayant subi un choc similaire, le jeune gaillard va s’en sortir avec des bleus, son père quittera l’hôpital avec un plâtre ou deux, et la grand-mère restera plusieurs semaines dans le service des polytraumatisés.

Dans un autre milieu qui nous concerne tous

Pour éviter ces situations indésirables, l’erreur est donc traquée avec succès depuis des décennies en aéronautique. Et lorsque les techniques utilisées pour les pilotes sont reprises par d’autres milieux, elles s’avèrent également efficaces. Prenons en exemple le milieu médical avec le résultat de quelques études parmi beaucoup d’autres :

  • Le personnel médical formé à la gestion des ressources en équipe, suivant les techniques utilisées en aéronautique commet entre 30 et 50% de moins d’erreurs techniques dans des actes chirurgicaux[6].
  • En obstétrique[7] une formation aux facteurs humains permet de réduire de 23% le nombre d’événement indésirables.
  • L’analyse[8] du retour sur investissement, après la formation de 3000 personnels hospitaliers aux facteurs humains (Crew Resources Management) après quatre ans d’activité, est estimé entre 9 et 24 millions de dollars.

Nous retrouvons des résultats similaires dans le domaine industriel.

 

[1] Agence Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat

[2] http://www.childsafetyeurope.org/

[3] Les conditions de travail en Europe Clesdusocial.com 2009 Sources Eurostat

[4] Observatoire national Interministériel de la sécurité routière Données 2016

[5] Manager la sécurité

[6] McCulloch et al., 2009. The effects of aviation non-technical skills training on technical performance in the operating theatre

[7] https://pdfs.semanticscholar.org/4a69/1d03111cde8742759eb95c317707c90dd704.pdf

[8] https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/26419392 20 mai 2018

Bon courage…

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