En 2008 James REASON, professeur d’université britannique et sans doute l’un des plus grands spécialistes en sécurité aérienne, sortait un nouveau livre : “THE HUMAN CONTRIBUTION” dont le sous titre était : “Acts, accidents and heroïc recoveries”. Il y présentait des exemples marquants, souvent célèbres, où des hommes s’étaient sortis de situations à priori désespérées. Rappelons en quelques uns :
– Sioux City : l’équipage d’un DC10 réussit un atterrissage sans commandes de vol, consécutif à l’explosion d’un moteur, sauvant les deux tiers des passagers. Si cette possibilité n’était pas prévue l’équipage s’y était malgré tout préparé. Cet exploit fut réédité vingt ans plus tard par l’équipage d’un Airbus cargo à Bagdad, touché par un tir de missile.
– Apollo 13 : Alors que leur vaisseau est en piteux état en raison de l’explosion du module de commande, trois astronautes rentrent sur terre dans des conditions complètement hors normes, guidés par une équipe de contrôleurs de mission pleine d’imagination.
Il y en a bien d’autres, dans les domaines les plus variés, où l’intervention humain a été décisive pour éviter ou limiter la catastrophe.
Qu’avaient en commun tous ces “héros” que sont ces militaires, ces astronautes, ces aviateurs ? James REASON s’interroge et trouve ce qui les rassemble:
- Un optimisme raisonnable, c’est-à-dire le contraire du désespoir. Ils allaient jusqu’au bout de l’action quoiqu’il arrive.
- Un bon équilibre entre le ” neuf ” et ” l’ancien “, c’est-à-dire d’un côté, la connaissance, l’entraînement et l’expérience, et de l’autre des « improvisations inspirées ». Chaque cas étant différent, c’est l’équilibre qui compte.
- Ils étaient, pour conclure, à chaque fois la bonne personne à la bonne place ; en quelque sorte ils avaient l’étoffe des héros (The right stuff).
James REASON pense qu’il y a plus de potentialités dans l’étude de ces situations hors normes pour améliorer la sécurité des opérations à risque, que dans les études précédentes, car nous en savons déjà beaucoup plus à travers les enquêtes accidents sur l’individu ” dangereux “, responsable des erreurs qu’il commet, que sur l’individu ” héroïque “, qui se sort de situations complexes et imprévisibles. Il pense aussi qu’il ne faut pas surévaluer ce modèle de l’opérateur ” héroïque ” et que la sécurité globale d’un système dépend d’abord d’un équilibre optimal entre la vigilance individuelle et la vigilance collective.
Cependant, nous pouvons retenir de ce livre qu’il nous faut nous préparer à être les ” héros ” (malgré nous) de demain, alors :
- Ne renonçons jamais, accrochons nous, quelques soient les circonstances.
- Ayons confiance en nous, notre formation nous le permet.
- Cherchons à nous améliorer tous les jours un peu plus.
- Restons ouverts au changement.
- Soyons prêts à réagir face l’imprévisible.
- Essayons, modestement, d’être exemplaires.
C’est sans doute cela l’étoffe des héros !
La présence d’un individu dans un cockpit, un équipage ou dans une structure aéronautique doit être à l’image des termes utilisés par ce grand chercheur qu’est Reason : la vigilance collective doit servir de garde fou pour aider un acteur à travailler et s’épanouir.
Seul, celui-ci ne peut se positionner ou obtenir des “limtes à ses actions”.
A l’inverse, seulement intéressé par le groupe et sa structure, l’individu ne vit pas les situations assez loin et est arrêté dans ses actions par les autres membres.
Les qualités propres de chacun doivent participer à l’accroissement du niveau d’une entité collective… encore faut il avoir la matière (heures de vol, cours, échanges, simulateurs) pour améliorer les compétences.
L’épreuve dévoile la réalité des êtres. Mais au delà des qualités propres des “héros”, leur utilité est peut être expliquée par ces “cellules miroir”, découvertes par une équipe italienne de physiologie dans notre encéphale. Si j’ai bien compris, elles permettraient de “vibrer” en fonction de nos perceptions, de nos sens, et de nous donner une mémoire, un apprentissage, par “empathie”, (ou peut-être par “sympathie”, à la manière des cordes libres d’une viole d’amour). Cela expliquerait que, sans avoir vécu une scène, notre comportement s’est adapté à cette situation comme s’il l’avait vécue. Cela expliquerait notre attrait morbide (et naturel) pour les accidents, et sans doute notre attrait pour les héros…
Vivent les débriefings !
Vélivolement vôtre.