Dans un précédent article, nous avons vu que le stress est universel chez les pilotes et qu’il dégrade leur performance. Explorons ici ses manifestations et les stratégies pour y faire face.
Quand le stress déborde
En croisière, météo qui se dégrade, carburant limité, trafic dense : les stresseurs s’additionnent. Quand la destination ferme, le commandant de bord, peu expérimenté, bascule dans une sorte d’effondrement cognitif. Confus, il ne répond plus clairement ; le copilote prend alors les décisions. Cet exemple illustre la limite critique : sous stress intense, la capacité décisionnelle peut s’effondrer brutalement.
Les symptômes sont bien documentés :
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Rétraction du temps (Hancock, 2005) : l’horloge interne s’accélère, donnant l’impression de manquer de temps.
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Régression (Lazarus & Folkman, 1984) : retour aux automatismes appris, parfois inadaptés (ex. un pilote actionne par réflexe une commande… qui ferme ses réservoirs).
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Tunnelisation mentale (Endsley, 1995) : focalisation excessive sur un détail, perte de vision globale.
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Décisions médiocres : sous pression, un stagiaire décolle… du taxiway au lieu de la piste.
Ces phénomènes altèrent directement les compétences clés : vigilance, conscience de la situation, jugement.
Stratégies de gestion
La résistance au stress varie entre individus, mais chacun peut renforcer sa marge de sécurité. Deux axes complémentaires :
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Reculer le seuil de stress
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Hygiène de vie (sommeil, forme physique, récupération).
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Identification et mise à distance des soucis personnels avant le vol.
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Pratiques individuelles : relaxation, méditation, respiration.
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Réduire les stresseurs
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Expérience : elle rapproche la perception de la réalité, augmente la vigilance, favorise l’anticipation.
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Préparation du vol : limiter l’inconnu, prévoir des scénarios alternatifs (« Et si ? »).
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Anticiper les premières fois : passagers, terrain complexe, trafic dense.
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Compétence collective (CRM) : un instructeur ou un pilote expérimenté peut lever rapidement un doute.
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Procédures : s’y raccrocher rassure et structure l’action quand la cognition flanche.
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Décision anticipée : demi-tour, déroutement. Plus on attend, plus le stress augmente et plus la décision devient difficile.
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Exemple pratique
Un pilote anxieux prépare minutieusement sa navigation, anticipe les scénarios et se fixe des seuils météo. Le jour J, la visibilité est inférieure à sa limite personnelle. Rassuré par sa préparation, il applique son plan B et se déroute. Décision difficile, mais maîtrisée : le stress a été transformé en alarme utile.
Conclusion
Le stress est une constante du vol. Il agit sur la vigilance, la conscience de la situation et la qualité des décisions. Reconnu et préparé, il peut être géré et transformé en ressource. Ni ignoré, ni subi : il doit devenir un signal qui déclenche anticipation, procédures et décisions adaptées.
Bons vols
Jean-Gabriel CHARRIER
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