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La pression extérieure

La pression extérieure fait partie des facteurs d’accidents les plus importants qui existent en aviation légère. Elle est pointée au plus haut niveau dans les processus de sécurité destinés à identifier les facteurs de risques avant un vol.

La pression extérieure va influencer votre manière d’agir, modifier votre comportement aux dépens de la sécurité. Voici quelques exemples classiques qui pourraient vous pousser à dépasser certaines de vos limites :

–   vous avez un rendez-vous programmé avec des amis, ou un vol particulier prévu depuis un bon moment ;

–   vous ne voulez pas décevoir vos passagers ;

–   vous voulez impressionner vos passagers ou le public au sol ;

–   vous voulez poursuivre vers votre destination malgré les conditions qui se dégradent : « Ce serait trop bête, je suis si près » ;

–   vous vivez la situation comme un challenge personnel : « Je peux le faire » ;

–   vous désirez vous montrer à la hauteur vis-à-vis de votre entourage ;

–   vous êtes en compétition.

Toutes les activités sont concernées par la pression extérieure. C’est le cas également des professionnels ; les évacuations sanitaires sont un des exemples les plus flagrants. Les pilotes peu expérimentés sont malgré tout moins armés pour y résister.

Jacques est un jeune pilote par l’âge et par l’expérience qui se voit proposer par un autre plus chevronné, qui désire emmener tous ses amis, d’effectuer une navigation à deux avions. Il accepte avec plaisir. Il n’a jamais effectué de navigation aussi longue et il lui faut pas mal de visibilité pour se sentir à l’aise, mais en cas de conditions marginales il lui suffira de suivre l’autre avion. Le jour venu tous les passagers sont là, avec les pilotes, et malheureusement des stratus ! Jacques n’est pas plus inquiet que ça, il fait confiance à « l’ancien » pour décaler le départ. Mais ce dernier, bien que plus expérimenté, sous la pression d’un événement organisé à destination avec tous les passagers décide de partir malgré des conditions de visibilité et de plafond très médiocres. Jacques est franchement mal à l’aise, mais il n’ose pas suggérer de repousser le départ. Et en vol, ce qui devait arriver est arrivé, les deux avions se sont perdus de vue, Jacques finira son vol dans un champ à court de carburant.

Deux avions, six passagers, un rendez-vous programmé à destination, c’était une véritable expédition. Le pilote chevronné a décidé de partir dans des conditions peu raisonnables sous la pression de cet événement qu’il ne voulait surtout pas gâcher. Jacques n’a pas bronché, il était à la fois sous la pression de la situation avec ses passagers, mais également sous la pression de l’autre pilote, il n’allait pas le laisser tomber.

Les meetings aériens ne sont pas en reste avec les démonstrations en vol et tous les convoyages qui y sont associés. Si nous devions mesurer son accidentologie, les chiffres montreraient sans doute une activité très accidentogène avec un facteur contributif majeur : la pression extérieure.

Je devais convoyer un planeur  pour le meeting aérien de Méribel, planeur que nous allions récupérer dans un club voisin. En arrivant j’apprends qu’il n’a plus de frein. Plus de frein en planeur à Méribel, cela signifie : si je me pose un peu trop court, avec ce genre de planeur et la pente de la piste, je risque de redescendre en arrière une fois posé ; si je suis trop long c’est le talus en bout de piste. Et je ne me suis jamais posé à Méribel en planeur. Je réfléchis très fort… ! Et je décide de partir en me disant qu’il faudra que le planeur s’arrête au bon endroit : ni trop court, ni trop long ! J’étais plutôt tendu pendant le convoyage derrière le remorqueur. Arrivé à Méribel, le trafic était logiquement assez important et mon premier souci était de n’avoir personne dans le circuit de piste, pour éviter une remise de gaz, manoeuvre très délicate en planeur… ! Il fallait vraiment que j’assure la piste. Un bon copain au sol habitué des meetings comprend ma situation et fait le nécessaire pour me dégager le terrain. C’est le matin, il n’y aura pas d’ascendances pour remonter si je ne me pose pas. J’en profite pour lui faire part de mon problème de frein, à savoir qu’il serait judicieux de placer des personnes de chaque côté de la piste, là où il y a un peu de pente, si jamais le planeur décide de s’arrêter au mauvais endroit avant de reculer. Je fais un passage à contre QFU, et me voilà en finale. Je me pose et pour me freiner je mets un coup une aile par terre d’un côté, un coup l’autre, avant de m’arrêter sur le sommet de la bosse… avant le talus. Je n’ai pas eu besoin de mes brins d’arrêt. Une histoire de meeting, parmi d’autres (le frein sera réparé avant la présentation en vol).


Voici un exemple significatif sur la façon dont la pression extérieure a influé sur le comportement des pilotes. Le pilote a volontairement pris des risques pour emmener son planeur à destination. N’étant pas le pilote de présentation, ce n’était pas la pression d’une présentation en meeting à laquelle il était confronté (vouloir l’effectuer), mais plutôt celle d’un challenge personnel. Il pouvait parfaitement refuser de voler dans ces conditions, personne ne lui en aurait voulu.

La gestion de la pression extérieure est un point crucial pour votre sécurité dans la mesure où cette pression peut vous faire ignorer de nombreux risques. Ceci est d’autant plus vrai quand le pilote est peu expérimenté, c’est-à-dire peu conscient des risques. Voici quelques conseils :

–    Le meilleur moyen de la gérer est de faire comme d’habitude : de respecter les consignes, les règlements, les procédures.

–   Vous pouvez anticiper ces situations en prenant quelques mesures de précaution : si vous prenez plus de carburant, en cas d’aléas vous éviterez une pression inutile.

–   Vous devez accepter de ne pas partir à l’heure comme prévu, ou avec un autre moyen de déplacement si vous devez vraiment rejoindre votre destination.

–    Prévenez vos passagers que vous pourriez être amené à différer votre départ, voire à l’annuler. Avec une ou deux explications, ils ne vous en voudront pas et ils verront en vous une personne sérieuse et responsable.

–  Ne cherchez pas à « rentrer » à tout prix. Les accidents liés à la pression extérieure sont beaucoup plus nombreux lorsque les pilotes approchent de leur destination. Pensez-y le jour venu pour prendre la décision qui s’impose.

– Les pressions peuvent être de natures différentes, chacune d’entre elles doit pouvoir trouver sa propre réponse. Il existe toutefois une réponse qui marche dans tous les cas, c’est de savoir qu’un jour ou l’autre vous serez confronté à la pression extérieure, que vous la ressentirez, et que vous devrez y résister. Vous devez vous y préparer.

Bons vols

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