Cet article est inspiré par une conférence TED donnée par Kathryn Schulz qui aborde les situations au cours desquelles les choses se présentent mal, et bien que nous en soyons conscients nous persistons malgré tout dans nos décisions. Elle nous explique que c’est dans notre nature, nous n’aimons pas avoir tort, nous n’aimons pas reconnaître nos erreurs. Nous nous enfermons facilement dans notre bulle quand la réalité ne nous convient pas. Kathryn Schulz, en parlant de la “cécité de l’erreur”, évoque le coyote courant après Bip Bip, qui se retrouve régulièrement dans des situations inconfortables bien qu’il perçoive parfaitement la plupart des dangers qui se profilent devant lui. Mais l’atteinte de son objectif l’emporte sur la raison, et le coyote occulte tout ce qui pourrait l’empêcher de grignoter son déjeuner, quitte à prendre des risques. Et il en prend …!
Voici quelques facteurs qui peuvent agir négativement ou positivement sur l’apparition ou non de l’effet coyote :
- Votre conscience des risques qui est proportionnelle votre expérience, ainsi qu’à vos connaissances sur les risques du milieu.
- Votre attitude dans votre vie de tous les jours vis-à-vis des risques. Êtes-vous un conducteur plutôt prudent, ou non ?
- Votre personnalité, qui va conditionner votre manière d’agir, avec des profils à risques connus : invulnérable, macho, laisser faire, etc.
- Le contexte de votre vol, avec ses enjeux qui sont plus ou moins importants et la pression qui en découle.
Si nous nous penchons sur nos pratiques de pilote, qui n’a pas un jour ou l’autre pris des décisions, en sachant qu’elles n’étaient pas très raisonnables. Prenons quelques exemples où le pilote a conscience qu’il est en train de faire une bêtise qui pourrait se transformer en situation périlleuse, mais il persiste malgré tout suivant les principes énoncées par Kathryn Schulz :
- Le temps est médiocre, le plafond baisse, mais le pilote insiste en slalomant entre les stratus. Il est presque arrivé, ce serait dommage de faire demi-tour si près.
- Au départ de Roissy l’attente au roulage est beaucoup plus importante que prévue ; l’équipage décide de décoller alors qu’il a déjà puisé dans ses réserves de carburant prévues pour le vol.
- C’est une compétition de vol-à-voile, le pilote effectue son arrivée : je suis un peu bas, mais ça doit passer … et je vais remonter d’au moins dix places au classement.
- L’ULM est maintenant sorti du hangar. Le pilote se souvient alors qu’une durite du moteur montrait quelques signes de faiblesse. Mais bon, ça tiendra bien encore un vol, il vérifiera ça à son retour…
- Il y a du monde perché sur la crête là-bas, je vais la raser pour les impressionner. Effectivement, un parapente pendu au sommet des arbres, c’est impressionnant …!
Recherche de la facilité, regard des autres, faible conscience des risque, etc. Bien entendu, les pilotes avaient (trouvaient) de bonnes raisons d’insister : j’en ai vu d’autres (oui, mais pas ça), je maîtrise (bof !), je connais bien le coin (et non), ça va bien tenir un vol de plus (pas sûr). Autant de décalages de la réalité synonymes de prises de risques. Pour corser l’effet coyote, l’être humain à une tendance naturelle à surestimer ses capacités et à sous-évaluer les risques !
Kathryn Schulz conclue sa conférence en nous disant que les personnes qui perçoivent le mieux la réalité telle qu’elle est, et non telle qu’on voudrait qu’elle soit, sont les mêmes qui se disent régulièrement : j’ai tort, je me suis trompé, j’ai commis une erreur.
Alors ! To beep or not to beep ?
Bons vols.
Cet article et la métaphore du coyote résument bien la complexité de notre propre vision de notre jugement … ou de notre jugement sur notre vision des choses.
Chacun se rappellera un exemple, une situation où il a fait preuve d’une telle tolérance vis à vis de lui même.