Revenant d’un voyage en Corse par Aix les Mille sur un Cessna 172, avec l’expérience de 150 h de vol, je me suis confronté au problème de devoir abandonner un avion et revenir en train car la météo n’était pas vraiment bonne, pas exécrable, mais pas bonne. Au moment de quitter l’avion, je vois une belle éclaircie dans la couche laissant apercevoir un ciel bleu attirant. Ni une ni deux, on redémarre et je spirale pour atteindre le niveau 125 (si mes souvenirs sont bons, ce vol remonte à bien longtemps). Le pied ! Au dessus d’une couche immaculée éclairée d’un beau soleil… j’avais décidé de passer par le Massif Central, sachant qu’à Paris la météo était bonne et que je n’aurais pas de problème pour descendre.
Sauf que, franchissant les contrefort du Massif Central, peu après Montélimar, la couche s’élève jusqu’au moment où un gros cumulus me barre la route. J’annonce au contrôle que je ne peux plus tenir les conditions VFR et que je fais demi tour. Les quelques secondes passées à établir mon diagnostic, et j’étais dans la purée de pois. Bon, avec un 180° je sortirai de ce nuage, sauf que je n’en suis pas sorti. Pour corser l’affaire mes deux radios sont tombés en panne en même temps (en fait, le micro s’était débranché) mais je gardais la réception et je pouvais entendre le contrôleur m’appeler désespérément (Il n’y avait pas de transpondeur à cette époque dans toutes les machines). Pendant une heure en condition IMC sans avoir la formation, je peux vous assurer que mes réserves d’adrénaline ont été vite épuisées, jusqu’au moment où je captais une conversation radio (il me restait la réception) disant qu’au dessus de la balise de Montélimar, c’était dégagé à 4000 pieds.
La vision du plancher des vaches a été le réconfort que vous pouvez imaginer et je me suis précipité sur le terrain de Montélimar pour un atterrissage sans radio…remise de gaz au dernier moment en raison d’un troupeau de moutons qui traversait la piste en herbe. Le bilan ? Une succession de mauvaises interprétations des messages météo, associé à un manque d’expérience et à un optimisme démesuré. J’ai considéré cette expérience comme un dernier avertissement sans frais et n’ai plus retouché à un manche, ce qui me permet de vous raconter cette histoire.
Il y a le passage involontaire au delà des limites et la violation délibérée. Il y a aussi un excès d’optimisme dans l’interprétation des éléments de vol.
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Ce récit nous a été envoyé par Michel lorsqu’il a découvert ce blog. La météorologie est et restera toujours une des principales difficultés pour les pilotes qui pratiquent le vol à vue.
Pilote, méfiez vous de votre optimisme.
Bons vols
Article précédemment publié en janvier 2011.
J’ai eu droit à un avertissement sans frais du même style au dessus des Vosges.
Avec la même conclusion, peut être un peu excessive, mais salutaire.
Ce récit déjà ancien me ramène à ma propre aventure voici quelques années au dessus des montagnes suisses. Décollage de Locarno direction la France. Navigation paisible prévue route au nord ouest (cap 300) . Assez loin à droite et à gauche les sommets sont accrochés par les nuages mais, devant nous au niveau 105, un grand couloir de ciel bleu dans lequel nous nous engageons après avoir cerclé au dessus du Lac Majeur pour monter en niveau de vol. Je suis à droite et profite de la balade. Nous nous engageons dans le couloir de ciel bleu mais voilà qu’après une dizaine de minutes de vol les nuages se referment brutalement sur nous. Nous nous disons A TORT que nous devrions en sortir rapidement (car forcément ça ne peut pas être bien épais…) et nous poursuivons. Au bout d’une minute nous sommes toujours dans la masse et le pilote s’interroge s’il doit faire demi-tour. Or nous savons que sur notre gauche et notre droite se trouvent des sommets. Sommes-nous encore bien sur la route et ne risquons nous pas un CFIT pendant ou à l’issue du virage ? Décision est prise de poursuivre tout droit (nous allons forcément émerger rapidement…) mais la situation devient inconfortable et le pilote me demande de prendre les choses en mains étant le plus expérimenté.
Je décide d’appliquer ce principe de base qui va nous sauver la mise (et sans doute la vie par conséquent) : back to basics. Je me contente de tenir la ligne droite. Pas facile : le pitot a givré et je n’ai plus d’indication de vitesse, la glace commence à s’accumuler à l’emplanture des ailes, le pare-brise est complètement opaque à cause de la glace et le réchauffage du carburateur peine à remplir son office. Faute de puissance à ce niveau, notre 160 cv alourdi par la glace décroche évidemment en permanence et je n’ai d’autre choix que de le laisser filer pour reprendre naturellement un peu de vitesse puis de remonter doucement. Je fais le marsouin sans interruption. Quant à la navigation, elle se déroule en atmosphère évidemment turbulente et le maintien du cap est impossible, le compas magnétique et le compas gyroscopique oscillant comme des fous. J’en suis réduit à espérer que le cap moyen entre les deux valeurs extrêmes de l’oscillation est peut-être quand même le bon. Suis-je réellement sur la bonne route, aucune idée car nous n’avons pas de GPS au tableau et mon pilote à gauche ne parvient même pas à lire l’indication de son GPS portable. Le contrôleur de Berne s’inquiète pour nous mais que lui dire ? Nous n’avons aucun autre choix que de poursuivre, l’oeil rivé sur l’horizon artificiel et la pompe à vide en priant pour qu’elle ne nous lâche pas. Dans mon refuge sur les fondamentaux, l’absence d’indication de vitesse me semble dérisoire tant que j’ai la puissance et l’assiette. Ce cauchemar (c’en est un) va durer 20 minutes. Et puis tout à coup, le nuage se déchire et devant nous la plaine à l’infini. Nous sommes sortis de la nasse et avons 50 km de visibilité sous le ciel tout bleu que nous n’avons jamais été aussi heureux de revoir. Nous faisons un point rapide de notre position et c’est la 2ème bonne nouvelle : nous sommes pile sur notre route, nous n’en avons jamais dévié. Une petite heure après nous atterrissons à Besançon.
Outre l’évidence de conclure de ce récit que le demi-tour doit être immédiat dès la perte des références visuelles, sans attendre même 1 seconde ou se réfugier derrière l’accidentogène “ça va passer”, le conseil est le suivant : en situation dégradée et quel que soit le niveau de dégradation : IL FAUT PILOTER L’AVION selon les règles de base : BACK TO BASICS. Et se concentrer uniquement là dessus.