CONSCIENCE DE LA SITUATION, LE BLOG

Le “flair” du pilote

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La rubrique d’ALEXANDRE

Nous avions évoqué dans un article précédent l’importance de toujours rechercher la perfection lorsque nous volons ! Mais parfois, cette recherche de la perfection peut présenter des risques. En particulier dans des situations nécessitant des ressources qui ne sont pas nécessairement à notre disposition ! Prenons le cas du vol US Airways 1549 et de l’A320 piloté par le capitaine Chesley « Sully » Sullenberger. Après une collision avec des oies, l’Airbus s’est transformé en planeur de plusieurs tonnes au dessus de New York. Si l’on devait faire la liste des ressources à la disposition du pilote dans cette situation, il y aurait :

  • Le contrôleur aérien, qui a proposé plusieurs options à l’équipage (retourner se poser à La Guardia d’où ils venaient de décoller ou bien se poser à Teterboro).
  • L’expérience et le « flair » du pilote, qui a tout de suite répondu qu’il ne pouvait faire ni l’un ni l’autre, et que la seule possibilité était l’amerrissage sur l’Hudson.

Lorsqu’on se retrouve dans une telle situation, il faut faire face, même si l’on ne dispose pas de toutes les ressources que l’on souhaiterait, en l’occurrence du temps. L’équipage du vol US Airways 1549 n’avait en effet pas le temps de faire des calculs précis de finesse pour déterminer les différentes options d’atterrissage. L’équipage a du évaluer les options avec du « flair » et prendre une décision rapide. Mais pour avoir un tel flair, il faut de l’expérience, et plus précisément une compétence que nous appellerons TLAR (« That Looks About Right »). Traduction : « Ca paraît à peu près bien ». C’est le terme utilisé par John King dans un article publié dans Flying Magazine. Il définit cette qualité comme étant la capacité à garder une bonne conscience de la situation malgré un manque de ressources. Plus précisément, c’est la capacité à conserver une bonne image mentale de la situation (The Big Picture), pour être à même de « sentir » les choses. Dans certaines circonstances, vouloir chercher la précision, la perfection, peut être au contraire un obstacle à une bonne Conscience de la Situation, et devenir source de distraction. Au lieu de ça, il vaut mieux sentir les choses et savoir faire des approximations.

Bien connaître son avion permettra à un pilote de savoir identifier l’assiette pendant l’approche, ou bien celle pendant la montée, et aussi de savoir piloter au bruit du moteur par exemple. S’il connaît les différents pré affichages, il pourra se focaliser sur le pilotage en cas de panne de badin par exemple (Mince, j’ai oublié d’enlever le cache Pitot avant de partir). Connaître les réactions de son avion est alors un atout essentiel.

En croisière, en cas de déroutement à cause de la météo, il y a deux possibilités. Un pilote très précis va vouloir mesurer le cap et la distance exacts vers un terrain de dégagement. Il va se plonger dans le cockpit et sa carte, en négligeant ce qui se passe dehors. Cela prend du temps (le facteur stress est aussi à prendre en compte) alors qu’il faut agir ; il se trouvera peut-être en IMC en relevant la tête. Un pilote possédant les compétences TLAR va quant à lui déterminer sa position puis prendre un cap approximatif pour s’éloigner des mauvaises conditions météo. Il va ensuite mesurer la distance approximative et déterminer une estimée. Il aura agi promptement et il pourra affiner ses mesures par la suite (cap, carburant, etc.). Il est “devant l’avion”.

Une préparation de vol très (trop) précise, très (trop) poussée peut être néfaste. En effet, si beaucoup d’énergie a été consommée pour la préparation, un pilote ayant préparé sa navigation vers un point B aura du mal à changer de plan s’il y est contraint. Il sera focalisé sur le plan initial et se sera mis des œillères. En clair, en plus de réaliser une bonne préparation du vol, il faut toujours avoir un plan de secours et être prêt à le mettre en œuvre, y être préparé mentalement.

Les nouvelles technologies se développant à bord des cockpits sont des ressources qu’il faut apprendre à utiliser de manière efficace. En effet, l’apprentissage doit tout d’abord se faire au sol (utilisation des différentes options du GPS…) afin de mobiliser ses ressources prioritairement sur le pilotage de l’avion (la programmation des aides à la navigation, au pilotage, doit ainsi devenir instinctive). Mais lorsque l’électronique tombe en panne, c’est là que les compétences TLAR entrent en jeu.

Il est donc très important pour un pilote d’acquérir ces compétences TLAR pendant sa formation (comme le bon sens !) et de continuer à les développer tout au long de sa vie de pilote, qu’il soit professionnel ou amateur. C’est un atout essentiel qui fait la différence dans des situations auxquelles on ne s’attend pas.

Pensez-vous que Sullenberger s’attendait à perdre ses deux réacteurs juste après le décollage ?

Bons vols

Alexandre

Breveté PPL,  Alexandre s’intéresse de très près, aux connaissances techniques sur le pilotage, aux  facteurs humains… Il a intégré l’ENAC où il suit une formation TSEEAC. Il vole à Lasbordes.

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