STRESS

Stress aigu : le monde en noir et blanc

Spring thunderstorm clouds near Casper, Wyoming...

La perception des couleurs peut disparaître sous l’effet d’un stress très intense. Les contours colorés des instruments de bord — en particulier sur les systèmes reposant sur un codage chromatique, comme l’EGPWS — peuvent alors ne plus être perçus. Cette « cécité des couleurs » n’est pas prise en compte par certaines représentations instrumentales, alors qu’elle est connue depuis longtemps des psychologues. On retrouve d’ailleurs dans la littérature des cas de feux rouges non perçus sous stress aigu, illustrant cet effet.

Dans le cas de l’accident de Cali (Colombie, 1995), on peut émettre l’hypothèse que l’équipage n’a pas été en mesure de percevoir certaines couleurs critiques de manière sélective. Cette incapacité pourrait constituer un facteur contributif supplémentaire au drame.

L’illustration ci-dessous présente deux perceptions possibles de l’EGPWS :

  • la première correspond à l’affichage normal ;

  • la seconde propose une vision altérée, telle que pourrait l’expérimenter un pilote confronté à un stress intense, où les couleurs rouges et jaunes censées signaler un danger imminent disparaissent.

 

 

 

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Des témoignages de pilotes confirment ce phénomène :

  • Récit 1 (aviation moteur) :
    « Je sais intuitivement que je ne pourrais pas passer (les arbres) si j’essaie de monter maintenant. Je tiens bon face à l’obstacle, puis je tire juste pour le franchir et décroche. Je rends aussitôt la main et réaccélère, les obstacles sont passés. Je vois le monde en noir et blanc, tout est très clair, comme surexposé. J’ai mal aux genoux et je les sens trembler. »

  • Récit 2 (planeur) :
    « En même temps que je suis envahi par une sorte de torpeur, je ne distingue plus les couleurs et je sens que je m’enferme sur moi-même. Ma tête tombe par une sorte de relâchement musculaire. Mon regard est projeté vers le bas, dans l’axe de mes genoux que je vois trembler, comme si la scène ne me concernait plus. »

Ce phénomène constitue un élément supplémentaire à verser au dossier déjà lourd des nombreux effets négatifs du stress sur les pilotes.

Bons vols

 

2 Comments

  1. jmalard

    Il se peut que la perte de perception des couleurs lors du stress soit une adaptation à l’action que, précisément, ce stress favorise. Le rouge est une couleur excitante, génératrice de stress. Il est probable qu’ à l’origine cela sert pour nous inciter à fuir à la vue du sang (le notre ou celui d’un tiers). Un fois enfermés dans l’action, le stimulus n’a plus d’utilité, voire peut nuire à la réalisation de cette action par la panique. Physiologiquement, notre vision est d’avantage axée sur la couleur et la précision au centre de la rétine, et d’avantage orientée vers la lumière (le “noir et blanc”) et le mouvement à la périphérie. Dans l’action, il est plus utile de percevoir mouvements et lumière que d’analyser finement couleur et définition. Notre cerveau, très probablement, altère donc l’analyse des images, en fait très imparfaites, que les yeux lui fournissent (tache aveugle, inhomogénéité de l’image, contours limités par les reliefs du visage (nez, orbite…)) et modifie notre perception pour l’adapter à la situation. De prédateur, nous devenons proie, en quelque sorte.
    Il est intéressant que des cinéastes comme S.Spielberg dans “La liste de Schindler” ou Q.Tarentino dans “Kill Bill” montrant des scènes violentes en diminuent le stress et majorent l’angoisse par l’usage du noir et blanc. L’angoisse ne succède-t-elle pas au stress ?

    JM Alard

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  2. JG CHARRIER

    Bonjour Jean Marie
    Dans ce que j’ai pu lire pour rédiger cet article, j’ai l’impression que nous pouvons comparer le processus de dégradation des performances du pilote sous stress comme celui d’un voile noir sous facteur de charge. Pour le voile noir il existe des étapes, à un moment tout se brouille visuellement, et ensuite tu ne vois plus rien, et surtout tu ne peux rien y faire (sauf agir sur l’incidence ! ). Je crois que sous un stress important c’est un peu pareil, après plusieurs étapes (intensités) le pilote rentre dans une grosse torpeur mental. Un autre pilote dans ce blog utilisait le terme gangue, il était dans une gangue, dans une espèce de glu qui lui scotchait les neurones. Comme sous facteur de charge ou tu pèses 4 ou 500 kg, ton cerveau sous stress devient lourd comme du plomb, de plus en plus lourd et de moins en moins exploitable, même pour la vision des couleurs. Bon, je ne suis pas un scientifique, ce ne sont que des sensations de pilote that’s all.
    Content de te lire Jean Marie
    Jean Gab

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