Non classé

Les meetings aériens en campagne

L’aéro-club d’Ille et Vilaine à Rennes se distinguait des autres par son importance, mais également en organisant des meetings aériens en campagne, c’était à quelle époque ?

Cela a commencé dans les années 60, jusqu’à la fin des années 70, début des années 80.

De quoi s’agissait-il ?

C’est assez simple, nous étions connus dans la région pour proposer des meetings aériens en campagne clé en main. Un comité des fêtes nous contactait, nous nous rencontrions ensuite pour discuter dans un premier temps de la faisabilité de la manifestation. Il nous fallait un terrain de 400 m minimum avec des approches dégagées ; de mémoire nous avons pu honorer toutes les demandes. Quand un champ ne convenait pas nous en trouvions un autre un peu plus loin. Il fallait parfois utiliser deux champs bout à bout pour trouver la longueur nécessaire, abattre un arbre ou deux, ou faire passer un coup de niveleuse ici. Il y avait toujours une solution.

C’est tout, pas de formalités particulières ?

Une fois la plateforme choisie et éventuellement adaptée après quelques travaux, la police de l’air venait inspecter le terrain, après quoi la veille du meeting nous recevions une autorisation de la préfecture. De son côté le comité des fêtes devait fournir et installer les barrières, une sono, faire de la publicité. Entre le premier contact avec le comité et le meeting il se passait environ six mois. La plupart des manifestations se déroulaient durant l’été.

Le comité des fêtes était pleinement dans son rôle pour animer la vie de la commune, mais quel était l’intérêt du club ?

L’intérêt était double. Nous faisions voler nos pilotes gratuitement grâce aux baptêmes de l’air, en tant que chef pilote, voir les pilotes du club gagner en expérience est toujours intéressant. Et de son côté le comité des fêtes nous versait un forfait de 5000 francs si ma mémoire est bonne, à quoi s’ajoutait la recette des baptêmes de l’air. Sauf gros pépin, que nous n’avons jamais eu, nous étions toujours bénéficiaires.

Vous proposiez donc des baptêmes de l’air, mais également des présentations en vol je suppose. 

Oui, bien sûr, mais à l’échelle de nos moyens. Rien à voir avec les meetings aériens modernes avec des patrouilles militaires ou des professionnels des meetings. À l’époque c’était plutôt « Jour de fête » de Jacques Tati. Nous proposions des parachutistes (ou un parachutiste), qui sautaient depuis un Piper PA19, ils avaient beaucoup de succès, une présentation des commandes de vol d’un avion : et voilà la gouverne de profondeur, et l’avion de monter et descendre. De la voltige quand nous avions un Stampe. Il ne faut pas oublier la patrouille de Bretagne avec quatre Piper Cub, un planeur, des modèles réduits avec Michel Mahé. Tout était chronométré, pas d’atterrissage ni de décollage pendant les présentations, les baptêmes décollaient avant et se posaient après.

Et l’Ademaï aviateur, vous pouvez nous expliquer la nature de la présentation ?

Oui, il ne faut pas l’oublier. Pour ceux qui ne connaissent pas le film ou le concept de la présentation en vol, c’est un pilote qui se fait passer pour un spectateur, qui ne sait donc pas piloter, qui subtilise un avion pour aller ensuite faire quelques cabrioles. Le rôle du commentateur au micro est très important, il doit jouer à fond l’étonnement : « Que se passe-t-il ? On me dit que… non c’est pas possible » Et l’avion, un Piper qui décolle péniblement comme vous pouvez l’imaginer. Et ça marche, le public n’y voyait que du feu. À plusieurs reprises il nous a même fallu arrêter les gendarmes qui courraient derrière l’avion.

En parlant d’avion, quels avions utilisiez-vous ?

Je crois qu’on pouvait difficilement faire mieux avec des machines parfaitement adaptées pour ces « week-end à la campagne ». Nous utilisions des Rallye 100 Cv, des Rallye Commodore et des Piper J3 et Piper Cub par la suite. Des machines très bien adaptées pour ces terrains en herbe plutôt courts. Nous pouvions avoir par exemple quatre Piper, quatre Rallye 100cv, deux Rallye Commodore, un Stampe, un Storch dans les années 60. Cela variait un peu, nous amenions même sur les bons terrains un Cherokee Six.

C’était essentiellement la flotte de l’aéro-club.

Oui, mais je me souviens d’une Banane de l’armée de Terre qui était venue, elle avait même largué des paras. Un Catalina basé à Rennes nous a fait une petite démo. Les hélicos de la gendarmerie, un avion de l’Alat… Une autre fois nous avions fait une demande à l’Armée de l’Air via notre fédération qui nous avait répondu favorablement en nous envoyant un Cap 20 depuis Salon de Provence. En arrivant le pilote à regardé tout ça avec des yeux ronds : “Mais où je suis tombé !?”. Le lendemain il est reparti enchanté par cette nouvelle expérience et notamment par l’ambiance, ça le changeait sans doute des gros meetings.

Vous vous posiez donc dans un champ, mais comment les pilotes repéraient la plateforme d’atterrissage, parmi les autres champs ?

Le terrain était balisé sur toute sa longueur, nous avions également une manche à air, une aire de stationnement, des barrières bien entendu pour les spectateurs. Nous n’avons jamais eu de problèmes. Dans certains cas nous avions un starter avec son drapeau qui faisait office de tour de contrôle lorsque l’approche n’était pas suffisamment dégagée pour les avions au décollage, avec quelques arbres en bordure de piste par exemple.

Lors d’une de vos présentions vous sortiez de votre Rallye en vol pour vous asseoir sur la verrière ?

En effet, mais cela n’avait rien d’exceptionnel, nous étions quelques-uns à le faire en France. Il fallait juste un pantalon plutôt étroit puisqu’il fallait piloter avec le manche dans la jambe du pantalon.

Et la sécurité ?

La veille du meeting j’effectuai un briefing pour tous les participants sur les particularités du terrain, notre organisation, qui fait quoi. Chaque bénévole avait une tâche assignée. Notamment nous faisions très attention aux personnes qui s’approchaient des avions pour un baptême de l’air. Les machines étaient systématiquement garées côté piste, les passagers étaient accompagnés, installés, récupérés après le vol. C’était un point de vigilance particulier. C’était une petite dizaine d’avions qui pouvaient tourner pratiquement sans arrêt. Et je ne sais pas si nous avons eu de la chance, mais sur des dizaines et des dizaines de meetings, je ne les ai pas compté, nous n’avons jamais eu de gros pépins.

Manche à air agréée DGAC

Il n’y a pas un Tiger Moth qui s’est retrouvé dans les arbres ?

Oui, vous avez raison. Et maintenant que vous me le dites il faut que vous sachiez que lorsqu’un de nos meetings était organisé proche d’un autre aéro-club, je dirai sur leur territoire, du côté de Nantes, ou de Saint Brieuc par exemple, nous invitions le club local par politesse. Et nous avions donc parfois la visite d’un ou deux avions de l’extérieur. Or, assez incroyablement ces visiteurs collectionnaient les pépins, voire les gros pépins, mais il n’y a eu jamais de blessés. Alors que chez nous, il ne se passait jamais rien, ou pratiquement rien.

Vous avez une explication ?

Nous avions un matériel bien adapté c’est certain. Et également une expérience des meetings pour savoir qui fait quoi entre les présentations, les baptêmes, l’attribution des avions. Ce sont des détails mais ils peuvent parfois faire la différence. Le plus important est bien entendu l’expérience des pilotes, de bons manœuvriers. Dans les années 70, début des années 80, les Piper Pa 19 devaient accumuler environ 50 000 heures de vol sans aucune casse sérieuse, alors que c’était nos avions écoles sur lesquels nous lâchions nos élèves. En y repensant, 50 000 heures de vol, soit environ 100 000 démarrage à la main sans un seul accident ; on touche du bois…!

Des terrains un peu particuliers, des météos pas très favorables ?

Oui, même l’été nous avons été confrontés à du mauvais temps. Soit cela retardait notre mise en place, ou bien le déroulement des présentations, mais nous n’avons jamais annulé un meeting à cause de la météo. Un terrain particulier, oui, je me souviens d’un terrain, du terrain idéal pour un meeting en campagne.

Ça existe un terrain de meeting idéal ? Un terrain plat et très long je suppose ?

Non, un terrain légèrement en pente et très large.

Allons bon !

Dans ces meetings, classiquement les avions se posent dégagent en bout de bande, rejoignent l’aire de stationnement en général à mi bande, qu’ils quittent ensuite vers le seuil de piste avec leurs nouveaux passagers. En fait, ils remontent toute la bande de roulage avec une escale au milieu. Sur ce terrain idéal, légèrement en pente, du côté de Bédé je crois, les avions décollaient dans la descente et se posaient dans la montée, donc en sens inverse. Du coup, plus de roulage ! Par contre les pilotes devaient rigoureusement respecter leurs trajectoires d’approche et de décollage et les atterrissages avaient bien entendu la priorité sur les décollages. Et la largeur de la bande permettait un décollage alors que l’avion posé approchait la fin de celle-ci, l’espacement latérale étant largement suffisant. Bien entendu le vent était très faible.

Il fallait optimiser les rotations, en faire le plus dans un minimum de temps.

Oui, et optimiser l’organisation des vols en général, avec par exemple l’utilisation d’un régime d’attente une fois l’avion en vol. Cela ne change rien pour les passagers, par contre nous économisions du carburant, avec moins de passages à la pompe. Nous avions notre camionnette avec nos bidons d’essence.

Quelle était l’ambiance générale ?

C’était une très bonne ambiance. Oui, c’était vraiment « jour de fête ». Le public était très chaleureux, tout le monde était content. Les baptêmes de l’air avaient un gros succès, et ça se passait toujours de la même manière. Les premiers passagers montaient dans l’avion avec une petite appréhension, mais quand ils redescendaient ils étaient ravis, souriant, un bonheur communicatif auprès du public à dix mètres juste derrière les barrières. Cela créait un effet boule de neige. Les baptêmes décollaient et atterrissaient entre les présentations, ça n’arrêtait pas. Quelques stands de galettes saucisses, avec les gâteaux faits maisons par des bénévoles locaux, parfois un manège pour les enfants. Et le soir tous les bénévoles du comité de fêtes avaient le droit à leur baptême de l’air.

Un souvenir particulier ?

Que des bons souvenirs.

Entretien effectué le 20 mars 2023 avec M. Henri Charrier ancien chef pilote de l’aéro-club de Rennes Ille-et-Vilaine, en photo ci-dessus et (et dans le Stampe).

Bons vols