Notre perception conditionne nos comportements
La manière dont un individu perçoit son activité professionnelle conditionne ses comportements. Cette représentation mentale du métier fonctionne comme une grille d’analyse qui oriente l’attention, hiérarchise les priorités… en ayant un sentiment de maîtrise.
Lorsque cette perception est incomplète ou simplificatrice, elle engendre une illusion de contrôle et donc de sécurité.
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Chez un jeune conducteur, l’obtention du permis est perçue comme une preuve de compétence, alors qu’ils manquent d’expérience. Convaincus de “savoir conduire”, il prend inconsciemment des risques : vitesse, téléphone. Une confiance excessive qui explique en partie leur surreprésentation dans les accidents.
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Beaucoup de médecins sous-estiment l’impact de la fatigue sur leurs pratiques (études) alors qu’après de longues gardes, leur vigilance et leur mémoire de travail sont altérées. Pourtant, ils continuent à se percevoir comme pleinement opérationnels. Un décalage qui entraine des erreurs.
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L’investisseur particulier croit maîtriser la bourse après quelques lectures. Cette confiance excessive le pousse à prendre des risques. Les pertes qui suivent découlent moins d’un manque de savoir que d’une illusion de maîtrise.
En d’autres termes : perception simplifiée → confiance excessive → relâchement des défenses → exposition inconsciente au danger → prise de risque.
Une complexité masquée
Le métier de pilote est à la fois hautement complexe et, en surface, présenté comme une succession de procédures claires et maîtrisables. Cette dimension procédurale donne un sentiment de maîtrise : check-lists, SOP et automatisation créent l’impression d’un cadre contrôlé à 100%.
Pourtant, derrière cette vitrine, la complexité demeure intacte. Les interactions entre facteurs humains, techniques et environnementaux ne disparaissent pas : elles sont simplement contenues, régulées, “cachées” par le procédural. Il suffit alors que le rythme s’accélère, qu’une anomalie survienne ou qu’un enchaînement inattendu se produise, pour que cette complexité réapparaisse brusquement et les premières fausses notes apparaissent.
Les équipage évoluent dans un univers perçu comme stable, alors qu’il repose en réalité sur un équilibre fragile. La maîtrise est bien réelle, mais elle peut tenir à peu de chose.
Tout est cadré par les procédures, les automatismes font leur travail, les routines font le reste quand la météo se dégrade à la destination, le pétrole est proche de la réserve minimale, c’est l’heure de pointe. L’équipage rentre alors dans un autre monde où le temps semble s’accélérer, le stress monte, les repères s’effacent. Ce basculement révèle une complexité qui était jusque-là invisible, et c’est au moment où l’on a besoin de toutes nos ressources qu’une partie de celles-ci disparaissent.
Bons vols
Jean-Gabriel CHARRIER