Ces temps-ci, quand on dit Facteurs Humains, on a le sentiment d’avoir payé son écot à la mode. On a prononcé les mots sacrés, enfoncés quelques portes déjà ouvertes et fait ricaner certains d’entre nous qui sommes tellement bons en qualité d’humain que nous n’avons pas besoin de ces fadaises pour piloter nos trajectoires personnelles. Jusqu’au jour où on commet je ne sais quelle bêtise. Celle ou l’adrénaline débite à flot, où le cervelet plonge soudain dans un froid cryogénique, bref une de celle où on se retrouve gentiment piégé dans ce que les Anglais appellent joliment : « The coffin corner » traduit en langage Gaulois par : « le coin du cercueil ».
En clair, on s’est fait une belle frayeur.
On s’intéresse alors discrètement au coté humain de la bêtise. Parce qu’entre nous, même si on s’est trouvé milles excuses, on sait bien au fond de nous qu’on a merdé quelque part. Pour aborder le sujet, on se plonge dans des bouquins savants, mais on les referme vite car ils sont généralement profondément austères, voire chiants, au point d’atteindre parfois l’effet inverse de celui recherché.
N’empêche, on a beaucoup à apprendre des Facteurs Humains, science du connais-toi toi-même avant d’aller commettre la fameuse bêtise citée plus haut.
Mais il y a un mais !
Les Facteurs Humains sont généralement définis comme « la performance humaine et ses limites ». Toutefois, cette notion de performance ne revêt pas le même sens pour un pilote professionnel et un pilote privé. Par exemple, dans une situation météorologique défavorable, le professionnel va décoller parce que c’est son métier et parce qu’il est payé pour ça. Au contraire, ce qu’on va demander au pilote privé ce jour là, c’est bien de reconnaître que les conditions ne sont pas réunies pour qu’il puisse voler ou continuer son vol. Le problème principal réside alors dans la formation initiale et il s’agit alors de se poser une question. Jusqu’ou un instructeur doit il aller avec un stagiaire lorsque les conditions deviennent marginales. Face à une situation future similaire, l’élève ne croira t’il pas qu’il est capable de conduire son vol dans les mêmes conditions puisqu’il y aura déjà été confronté, occultant le fait que ce n’est pas lui qui maîtrisait seul la situation la première fois?
Il y a un autre mais !
Même si aborder la sécurité et les FH par la référence aux accidents permet incontestablement de captiver l’auditoire, cette démarche semble peu appropriée pour un public qui souhaite pratiquer un loisir. Par ailleurs, la place des humains dans le système fait de l’implication du facteur humain dans les accidents une sorte d’évidence. Une autre démarche positive consisterait à montrer que les facteurs humains contribuent à faire voler la plupart des engins volant sans qu’il ne se produise d’accident, et ce, malgré des conditions pas toujours optimales. Il s’agit alors de faire prendre conscience au plus grand nombre d’entre nous que, même si l’humain a des limites, l’important est de les connaître pour mieux les gérer.
Les accidents sont certes 100 fois plus élevés dans l’aviation générale que dans l’aviation commerciale. Mais les statistiques ne sont que le rétroviseur de la sécurité, au sens où elles ne permettent pas de tirer des enseignements immédiats. Ainsi, l’accident dont il faut avant tout se préoccuper est celui qui n’est pas encore arrivé et non celui qui est passé.
Alors comme l’humain, le Facteur du même nom a ses limites. L’important est donc de bien se connaître ou d’apprendre à le faire et de recadrer son rapport au risque le plus tôt possible et pourquoi pas très tôt dans la formation?
Bons vols, Christophe Brunelière.