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La compréhension des accidents

« Comment améliorer la sécurité par la compréhension des accidents plutôt que par la recherche de leurs causes ». Erik HOLLNAGEL

Le pilote est sorti de piste lors de l’atterrissage, mais pas par le taxiway ! Il a commis une erreur de pilotage. Mais est-ce si simple  pour un pilote peu expérimenté sur un avion à train classique, qui  possède peu de défenses vent de travers ? Et pour corser le tout, ce jour là il utilisait une piste en dur pas spécialement large.

La plupart du temps c’est une succession de petites choses qui semblent anodines, de dangers visibles ou invisibles, qui reliés entre eux entraînent un accident. James REASON, spécialiste en sécurité aérienne, a imaginé une représentation de ces enchaînements avec un modèle qui cherche à déterminer comment se sont opérées les relations entre les différentes composantes concernées par l’accident. Il remonte en amont des acteurs de première ligne (le pilote a fait une erreur) avec la recherche de défaillances qui auraient favorisé la survenue de l’évènement. C’est une approche globale qui permet d’appréhender les différents facteurs contributifs de l’accident pour y remédier.

Le modèle peut-être comparé à des plaques de protection. Rien n’étant parfait, elles possèdent chacune des faiblesses qui sont représentées dans ce modèle par des trous. L’accident se produit quand ces défaillances s’organisent et se cumulent de manière singulière que l’on peut imager par un projectile qui passerait au travers de chacune des plaques de blindage. Une autre représentation existe avec des tranches de gruyère (swiss cheese model) !

Utilisons l’exemple de la sortie de piste pour, dans un premier temps analyser méthodiquement l’existence de facteurs qui auraient pu faciliter la survenue de cet événement, et ensuite tenter de  trouver des solutions (raisonnables) pour éviter que cela ne se reproduise.

Existe-t-il des consignes pour le pilote qui intègrent son expérience avec des restrictions éventuelles, comme une limite de vent de travers ?
Existe-t-il une consigne qui préconise l’utilisation de la piste en herbe qui est plus large avec cet avion par vent de travers ?
Doit-on établir une limitation vent de travers en de ça des valeurs du manuel de vol pour cet avion ?
Quel entrainement a suivi le pilote pour se faire lâcher sur la machine ? Etait-ce suffisant ? Doit-on suggérer fortement un vol en double ou plus par vent de travers, ou en limiter son utilisation dans le cas contraire ?

La démarche tourne autour de l’interaction entre les différentes composantes : pilote/vent, vent/avion, avion/pilote, organisation/pilote. Cela peut sembler lourd mais l’objectif est de rechercher avant tout des solutions de bon sens qui doivent permettre au pilote d’éviter de se retrouver dans des situations trop exigeantes pour lui. L’analyse est globale, mais seule une consigne ou deux peuvent permettre de gérer la partie la plus importante du risque de manière efficace : « Par vent de travers supérieur à 10 kt, pour les pilotes ayant moins de 10 heures sur la machine, prenez contact avec un instructeur avant de partir».

Il existe un autre intérêt dans ce modèle qui n’est pas le moindre, c’est la compréhension par le pilote de ces enchaînements accidentogènes. Cela lui permettra de percevoir certaines combinaisons à risques pour pouvoir ensuite les anticiper.  Le choix des plaques n’est pas figé.

Si l’on prend l’exemple du carburant, suivant la chronologie du vol, les protections (plaques) seront :
1) La connaissance des règles d’emport.
2) La prise en compte des conditions du jour lors de la préparation du vol.
3) La conduite du vol.

Un exemple des défaillances (trous) pourra correspondre à :
1) Une méconnaissance des règles d’emport, ou de sa quantité  correspondante sur la machine, ce qui va grever l’emport de quelques dizaines de litres.
2) Une préparation du vol qui n’intègre pas la prise en compte d’un espace aérien que le pilote devra contourner, ce qui rallongera la trajectoire et  augmentera la consommation.
3) En vol, le pilote qui s’aperçoit de la faible quantité de carburant prend alors une mauvaise décision, ou ne prend pas de décision (cas classique). La situation marginale va alors se transformer en situation d’urgence.

Pour être complet, certaines plaques peuvent se dégrader avec le temps : un pilote qui s’entraîne peu verra augmenter ses défaillances potentielles (plus de trous dans les plaques), une machine qui vieillit, une documentation qui n’est plus mise à jour…

Bons vols

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