Voici un retour d’expérience de Roland GIRARD, pilote professionnel, instructeur planeur et avion qui possède près de 6000 heures de vol en tant qu’instructeur et qui vole à titre bénévole . Il aborde ici la notion d’affect dont voici une définition (wikipédia) : L’affect correspond à tout état affectif, pénible ou agréable, vague ou qualifié, qu’il se présente sous la forme d’une décharge massive ou d’un état général. L’affect désigne donc un ensemble de mécanismes psychologiques qui influencent le comportement. Dans la partie formation de ce blog l’affect (partie comportementale négative) est repris dans la rubrique stress. La photo du bandeau nous montre un instructeur avec son élève dont l’affect semble plutôt agréable, c’est plutôt l’état affectif pénible ou difficile à cerner des élèves qui nous intéresse ici.
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Les photos à l’intérieur de cet article ont été prises par Daniel.
Connaître ses élèves autrement que par le seul élément aéronautique revêt une importance non négligeable dans la gestion de sa progression et donc dans la prévention des risques, parce que chacun de nous peut être à tout moment parasité par un souci ou un événement qui va dégrader nos performances. Sans se mêler de la vie privée de nos élèves, parfois la connaissance de ce qu’ils vivent personnellement peut nous aider à anticiper certaines situations délicates pour peut-être les éviter ou à mieux les gérer. Je n’ai pas eu de mal en retrouver dans ma mémoire quelques exemples significatifs de cette facette de notre activité d’instructeur.
Alors que nous sommes en tour de piste, je m’aperçois que mon élève regarde sa montre très régulièrement, tellement régulièrement que ce n’est pas pour chronométrer un éloignement ou je ne sais quoi et en plus il semble soucieux. Manifestement son esprit n’est pas dans l’avion. Je l’interroge sur le pourquoi de cette préoccupation et il me répond que sa fille se fait opérer ce matin et qu’elle doit bientôt sortir de la salle d’opération. Il n’a pas osé annuler son rendez-vous ! Pour lui l’aviation est un loisir et doit le rester et nous nous posons pour un complet.
J’effectue un vol d’initiation (un vrai) avec une personne qui désire apprendre à voler. Il fait beau et les quarante minutes de vol semblent un vrai bonheur pour ma passagère. Après l’atterrissage celle-ci est convaincue et elle veut s’inscrire, d’ailleurs m’explique-t-elle : « Mon mari m’a toujours interdit de faire ça, mais il est décédé la semaine dernière, cette fois je vais pouvoir le faire ». Wahou ! Pourquoi pas, mais il me faudra vérifier que ce qui m’apparaît être une précipitation correspond bien à une simple motivation pour l’aéronautique.
Une jeune étudiante arrive au club avec sa préparation de navigation solo . Roland tu peux vérifier ma navigation, j’ai réservé le DR 400, mon instructeur m’a dit l’autre jour que je pouvais partir si la météo était bonne ; peux-tu signer mon carnet de vol ? Ça va ? Tu n’as pas l’air en forme, tu es toute pâle ? C’est vrai que je ne suis pas très en forme, j’ai un copain qui s’est tué en moto avant hier, j’y pense encore. Viens donc avec nous en place arrière, on verra plus tard pour ta navigation en solo .
Un jour dans un centre de vol à voile. Allo, le centre de vol à voile ? Bonjour, ici le service des soins intensifs de l’hôpital d’Orléans, nous avons chez nous Mr xxx qui nous a été amené par l’hélicoptère du SAMU. Une heure plus tard, au chevet du pilote, celui-ci nous explique qu’il s’en tire bien avec une simple fracture du bassin (!), et au cours de la discussion il nous dit qu’il n’aurait sans doute pas dû voler et encore moins pour faire un circuit au dessus de la campagne avec tous les soucis professionnels qu’il avait.
En conclusion, l’état affectif de nos élèves fait partie des petites choses dont nous devons nous préoccuper. Sans demander à notre élève de s’allonger sur le divan avant de voler pour nous raconter sa première chute en tricycle, comme dans les exemples que je viens de vous donner, un comportement inhabituel ou bizarre doit nous alerter. Je ne parle ici que des vols en double, il est évident que nous devons également avoir un oeil sur les pilotes qui partent sans nous.
Roland Girard
Bons vols