J’ai 32 heures de vol, dont environ 4h en solo. Mon dernier vol remonte à deux semaines. Mon instructeur me demande si je veux partir en solo directement ou si je souhaite faire 1 ou 2 tours de piste avec lui. Je lui dis que je préfère faire un tour de double, au moins un tour de piste. On prépare l’avion, roulage, décollage, je coupe la pompe, je rentre les volets. J’ai du mal à tenir mes paramètres, mon pilotage est légèrement heurté. Je préviens mon instructeur en finale que je souhaiterai faire un deuxième TDP avec lui.
C’est reparti. Ce n’est pas top mais suffisamment pour que mon instructeur me demande si je veux repartir en solo. J’acquiesce, mais quelque chose me turlupine, ce n’est pas mon habitude, j’ai du mal à me concentrer. Pendant que mon instructeur file vers le club, je termine ma check-list avant décollage ; alignement, mise en puissance, l’avion accélère, et soudainement le doute s’installe. Est-ce que je maîtrise mon affaire ? Est-ce que je ne vais pas faire une connerie une fois là-haut ? Ça ne va pas le faire, ça va pas le faire ! Je suis tendu comme une corde de guitare.
J’arrive alors à la vitesse de décollage et je décide alors de tout réduire. Je reviens penaud vers le parking, c’est l’incompréhension. J’explique à mon instructeur que j’ai douté de moi, perdu confiance, suffisamment pour finalement renoncer à décoller. Mon instructeur m’explique que je ne suis pas le premier, mais plus important, même s’il a constaté quelques écarts, que mon niveau technique était tout à fait acceptable.
En réfléchissant bien je me suis aperçu que “je n’étais pas dans l’avion”, c’était son expression. J’avais en effet la tête ailleurs. Je sortais du boulot, le sas de décompression était sans doute un peu court. Mais surtout, la veille je m’étais engueulé avec ma copine assez sérieusement (à propos de ma nouvelle activité de pilote !).
Les problèmes personnels
N’importe quel individu peut rencontrer des problèmes personnels qui peuvent affecter ses capacités : difficultés de concentration, tension émotionnelle… Nous sommes dans ce retour d’expérience en plein dedans. Hugh Tillman* parle des problèmes personnels que les pilotes peuvent rencontrer comme un facteur de risque supplémentaire ; les problèmes familiaux en font partie. Petit clin d’oeil, en évoquant l’aviation de loisir il souligne que les pilote professionnels ont un souci, extra professionnel, qu’ils ne connaissent pas, puisque c’est leur travail ! Contrairement à Ronan ci-dessus. *Aviation Safety Magazine (décembre 2011) : Risk Management – Military Style.
Ces facteurs personnels entraînant des tensions auxquelles il est difficile de se soustraire, même une fois son travail terminé, ou loin de chez vous. Il faut en être conscient pour essayer de fermer mentalement la porte de vos soucis personnels lorsque vous êtes aux commandes de votre machine. Et si vous n’y arrivez pas, évitez d’aller voler pour vous changer les idées, ce n’est pas le meilleur plan.
Ronan sortait de son boulot, il s’était pris la tête avec son amie, c’était un vol de reprise après une interruption : “Et soudainement le doute s’installe”. Il a pris une bonne décision.
Un autre exemple vécu :
Un jour d’été dans un centre de vol à voile. Allo, le centre de vol à voile ? Bonjour, ici le service des soins intensifs de l’hôpital xxx, nous avons chez nous Mr xxx qui nous a été amené par l’hélicoptère du SAMU. Une heure plus tard, au chevet du pilote, celui-ci nous explique qu’il s’en tire bien avec une simple fracture du bassin (!). Au cours de la discussion il nous dit qu’il n’aurait sans doute pas dû voler et encore moins pour faire un circuit au dessus de la campagne avec tous les soucis professionnels qu’il avait.
Certains d’entre-vous se disent peut-être : à ce compte là je ne volerai jamais, ou pas très souvent. Ok. Mais simplement savoir que vous allez partir voler dans des conditions pas très optimales, et pourquoi, est déjà un élément de réponse (une contre-mesure à une menace) certainement très efficace. Vous serez normalement plus vigilant, plus prudent.
Bons vols