Entre les pilotes de l’US Navy, les pilotes de ligne, les pilotes d’ULM, d’hélicoptère, de planeur … les missions, les équipements, les formations diffèrent, mais une partie de ce qui caractérise l’activité d’un pilote est la même : dynamique du vol, risques, interactions parfois complexes … Les capacités jugées importantes dans cette communauté de pilote peuvent donc nous intéresser.
Voici décrites en quelques lignes les ressources considérées comme essentielles chez les pilotes de l’US NAVY. Une littérature fournie détaille chacune d’entre elles, elles sont décrites ici simplement.
La communication
Le pilote doit savoir recevoir et communiquer des informations de manière claire et précise. Elles sont verbales, écrites, mais elles peuvent être également non verbales, comme la posture ou les intonations de la personne avec qui vous communiquez. Attention aux distorsions entre le message que l’on veut vous faire passer et celui que vous recevez ; on entend souvent ce que l’on a envie d’entendre. En aéronautique, il existe des informations plus ou moins critiques. Quand elles le sont, on les collationne : ” La 23 en service”, ou on se les fait confirmer avec une check-list : “Train sorti”. La précision, que ce soit lors de la réception ou la transmission de ces informations, est primordiale. Il existe également de nombreuses barrières qui rendent la communication difficile : le bruit, la charge de travail, les comportements, la culture…
L’assertivité
L’assertivité c’est la capacité à s’exprimer et à défendre son point de vue, alors que ce n’est pas forcément celui des autres. Elle implique une bonne connaissance de ses propres compétences et de leurs limites. Mais ce n’est pas seulement ça, une personne assertive trouve un juste équilibre entre un comportement passif qui consiste à ne rien dire ou ne pas défendre suffisamment son point de vue, et un comportement agressif basé sur la domination, voir l’intimidation.
Le leadership
C’est la capacité à diriger et coordonner l’ensemble des tâches des membres de l’équipage ou autres personnels, et à les encourager à travailler ensemble. Il existe un leadership organisationnel et de bon sens qui est représenté par le commandant de bord, et un leadership fonctionnel qui peut apparaître dans une situation particulière où un membre d’équipage autre que le commandant possède une expertise : le copilote vélivole, qui reconnaît des nuages de rotor, ou qui possède une grosse expérience sur la machine qui est nouvelle, pour le commandant. Avoir du leadership c’est être respecté, décider, déléguer, informer, répondre, donner l’exemple, être assertif (!), coordonner et construire une atmosphère professionnelle. C’est également être crédible dans son métier.
L’analyse de mission
L’analyse de mission consiste à se projeter à court terme et à long terme dans son vol : en analysant les informations disponibles et en allant chercher celles qui sont nécessaires. La planification, la préparation, le briefing sont effectués avec professionnalisme, rien n’est laissé au hasard. En vol, le pilote vérifie le bon déroulement du vol et scrute toutes les évolutions qui peuvent nécessiter un changement dans sa planification. Après le vol, celui-ci est analysé.
La conscience de la situation
Entre la réalité opérationnelle de l’avion et de son environnement, et sa perception par le pilote, il peut y avoir des écarts. L’expérience, la vigilance, peuvent favoriser cette perception. La fatigue, le stress, une surcharge de travail, ou une charge trop faible, la pression extérieure, l’exigence de la situation, différents biais de jugement … peuvent lé dégrader. La décision est conditionnée par la conscience de la situation. Dans beaucoup d’événements de sécurité (80% en transport public), une mauvaise conscience de la situation est à l’origine d’une mauvaise décision.
Les capacités d’adaptation
C’est la capacité à changer son projet d’action, son programme, lorsque de nouvelles informations, une nouvelle situation, le requièrent. C’est important avant le vol et ça devient crucial en vol ou l’adaptation, et la vitesse d’adaptation, deviennent des facteurs clés. Face à une évolution soudaine de son environnement, le pilote doit s’ajuster à celui-ci en temps réel. Plusieurs ressources vont faciliter l’adaptation du pilote à son nouvel environnement : l’anticipation, la reconnaissance du changement, la capacité a trouver une solution de rechange, la capacité à aider et à se faire aider.
L’esprit de décision
L’esprit de décision est la capacité du pilote à analyser les informations à sa disposition, de manière logique, pour juger d’une situation et agir en conséquence. Il doit vérifier ses informations, établir le problème s’il existe, identifier les diverses solutions, évaluer leurs conséquences avant de choisir la meilleure option, et décider. L’expérience, le temps disponible, la méthode, favorisent les bonnes décisions. La prise en compte des risques, pour les gérer, est un facteur clé de la prise de décision. La machine, l’environnement, le vol projeté, et leurs interactions, doivent être analysés. Une bonne décision limite les risques et réduit les erreurs.
Conclusion
Les pilotes de l’US NAVY savent communiquer efficacement, leur assertivité y contribue. Le leadership leur permet de tirer le meilleur parti de l’équipage, d’être synergique. La mission est analysée sous toutes les coutures, avant, pendant, et après. Les aléas, les menaces, les contraintes particulières, sont prises en compte sans délais, à la recherche d’un équilibre perpétuel entre la réalité de la mission et sa perception par le pilote. Cette conscience de la situation acquise leur permet de choisir les meilleures options et de les appliquer.
Et l’Aéronavale française ?
« Et les pilotes de l’Aéronavale ? », me direz-vous. A priori, je ne prends pas beaucoup de risques en disant que ce sont les mêmes qualités qui doivent être peu ou prou recherchées et développées, leur formalisation est sans doute différente. Je me risquerai toutefois à émettre une hypothèse personnelle. Qu’est-ce qui différencie ces deux communautés de pilote ? Ce sont les moyens matériels, humains, organisationnels dont ils disposent, et je ne serais pas étonné que les capacités adaptatives des pilotes de l’Aéronavale soient plus développées.
Cette réflexion est à mettre en perspective avec l’approche de Tony KERN sur l’Airmanship (Qualités d’Aviateur). Ancien pilote de l’US Air Force, sa perception du métier est associée à un environnement très riche en moyens qui facilitent la procéduralisation de l’activité. Or, les capacités d’adaptation sont inversement proportionnelles à l’importance de cette procéduralisation. Un autre sujet peut-être ?
Bons vols
Article précédemment diffusé en novembre 2010.
D’une facon générale, site très bien fait . Et c’est la première fois que je trouve les ” Facteurs Humains” aussi bien expliqués et accéssibles pour tous.
Un très bon support pédagogique. Merçi et continuez
YC
(Ex Pilote Chasse et ITP vol à voile)
Site remarquable, beaucoup d’informations; a conserver parmi ses favoris!
Pour ce qui concerne les differences entre les pilotes de l’US Navy et ceux de la French Navy: il y en a malgre une formation (ou partie) desormais commune.
Etant passe par les deux systemes je tenterai dans le futur de vous apporter un epu plus d’eclairage sur le sujet.
D’ailleurs : NAVY RULES!
Cordialement.
Greg cellier
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