PROCÉDURES

Des situations génératrices d’erreurs

Mentalpilote 24082015

En moins de quinze ans, dans un passé récent, les États-Unis ont connu 27 accidents au sein de leurs compagnies majeures. Tous avaient, parmi différentes causes, un facteur contributif commun : une erreur de pilote. Il ne s’agissait pas de comportements déviants (laxisme, indiscipline…), les équipages étaient entraînés et expérimentés. La NASA* s’est donc penchée sur l’origine de ces erreurs et a mis en évidence quatre situations propices à leur apparition.
*Loukopoulos, Dismukes, Barshi.

L’erreur est toujours liée à la notion de tâche : non effectuée, réalisée trop tôt, trop tard, incomplètement, dans un mauvais séquencement, ou encore imparfaitement. Ces tâches concernent en majorité la gestion technique de l’avion selon les SOP (Standard Operating Procedures), elles-mêmes subdivisées en sous-tâches et en actions, c’est-à-dire les plus petites unités concrètes (vérification, annonce, manipulation physique).

Or, environ 75 % des tâches dans un cockpit sont assimilables à des contre-mesures. Ne pas exécuter une vérification, une check-list, un changement de cap… équivaut donc à introduire une menace pour la sécurité. On comprend dès lors pourquoi, lorsqu’un équipage est débordé, les erreurs – donc les menaces – apparaissent rapidement.

Prenons l’exemple d’une Check-list Approche :

  • Fasten Seat Belts : On → lecture + vérification(s) + annonce(s) = 3 actions

  • No Smoking : On → 3 actions

  • Avionics + Radios : Set → 6 actions

  • Altimeters : Set & Crosschecked → 3 actions

  • Landing Lights : On → 3 actions

  • Auto Spoilers : Arm → 3 actions

  • Autobrake : Set → 3 actions

Total : 7 tâches = 24 actions, à synchroniser en équipage, en quelques dizaines de secondes. Sans oublier la Do-list

L’être humain ne pouvant pas effectuer correctement deux tâches simultanées, il doit régulièrement « switcher » d’une tâche à l’autre. Certaines activités automatiques, comme le pilotage manuel, peuvent être réalisées en parallèle, mais elles demandent toujours un minimum d’attention. On retrouve le même principe chez l’automobiliste qui téléphone en conduisant : son risque d’accident est multiplié par quatre.

Le pilote doit donc partager ses ressources entre la perception de son environnement et la gestion de son avion. La plupart des tâches doivent être effectuées à des moments précis dans le temps et dans l’espace :

  • suivi de trajectoire IFR ;

  • phénomènes météorologiques ;

  • surveillance du trafic ;

  • etc.

Certaines tâches, en revanche, sont imprévisibles : une instruction ATC, une alarme (master caution), etc.

Dans les phases critiques comme l’approche, les marges de manœuvre temporelles se réduisent. Une surcharge cognitive (présente dans près de 50 % des accidents) apparaît lorsque la somme des entrées et sorties devient excessive. Le pilote « déleste » alors son activité mentale, généralement en sacrifiant la perception de son environnement. La conscience de la situation se rétracte et peut mener à une perte de contrôle de type CFIT (Controlled Flight Into Terrain).

Airbus CRM (ACRM) décrit deux ressources essentielles pour maintenir le contrôle de la situation :

  1. Les ressources mentales nécessaires pour contrôler les actions physiques.

  2. Les ressources mentales nécessaires pour maintenir la conscience de la situation.

Chacune de ces ressources a des limites. L’ACRM vise à entraîner les équipages à rester dans une « zone tampon » de sécurité, évitant de les pousser au maximum de leurs capacités. Cette marge protège contre la spirale risque/erreur.

En résumé, les ressources mentales du pilote sont séquentielles et limitées. L’étude de la NASA a identifié plusieurs situations typiques favorisant l’erreur :

  • Diversion de l’attention / interruption de tâche : un appel ATC, une intervention cabine, une remarque depuis le jumpseat, ou un simple moment d’inattention.

  • Séquence de tâches perturbée : par exemple, saisie des données FMS retardée par une opération de dernière minute, ou un item MEL venant perturber une procédure.

  • Apparition de tâches imprévues : instruction ATC immédiate (« Prenez le TWY D ») ou différée (« Rappelez en passant 5000 ft »), qui doivent être mémorisées.

  • Chevauchement de tâches multiples : situation fréquente en approche, lorsqu’un contrôle ATC modifie un cap pendant l’exécution d’une check-list.

Interruptions, séquences perturbées, tâches supplémentaires, chevauchements : autant de signaux qui doivent éveiller la vigilance des équipages.

Bons vols

Jean-Gabriel CHARRIER

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