LE BLOG, PILOTE PRIVE

Le cercle vertueux des marges de sécurité

Vous êtes un aviateur plein de bon sens, vous n’avez rien à montrer aux autres, vous savez que les accidents n’arrivent pas qu’aux autres et vous respectez les règles car vous les pensez utiles. Pour cela, ou à cause de cela, vous prenez des marges. Mais est-ce bien utile de prendre plus que le carburant minimum réglementaire, de ne pas compter toujours les passagers adultes à 75kg, de ne pas partir en navigation avec une arrivée prévue 10 minutes avant la nuit aéronautique, d’avoir une piste plus longue que la distance indiquée dans le manuel de vol ? Finalement tout cela est autorisé et possible, que voulez vous qu’il arrive ?

Imaginons maintenant que vous souffriez d’un peu de machisme, d’une petite dose d’invulnérabilité, vous êtes tout de même très bon, et que respecter les règles a minima soit déjà pour vous une contrainte, bon comme vous êtes, et vous allez d’ailleurs le leur montrer… Pour commencer vous sous évaluez le risque, très légèrement n’est ce pas, ce qui fait que vous ne prenez pas de marges. Il vous est donc difficile de gérer les aléas qui malheureusement une fois en l’air sont nombreux. Mais vous êtes très doué et vous surmontez la plupart des problèmes… jusqu’au moment où vous vous confrontez à un risque bien réel et visible. Ah… ça ne devait pas se passer comme ça… Tout de suite le stress monte en flèche, votre performance s’écroule donc, et si la situation devient vraiment très exigeante vous n’êtes plus à la hauteur. Le sentiment d’échec risque d’aggraver encore le stress par le choc qu’il provoque, vous risquez le blocage et l’accident.

Si vous ne vous reconnaissez pas dans ce scénario, c’est très bien, attention toutefois si c’est parce que vous ne connaissez pas le stress, dans ce cas vous êtes encore plus exposé, votre sentiment d’invulnérabilité est sans doute ancré très profondément en vous, vous pouvez prendre des risques inconsidérés, le stress ne vous préviendra pas si vous allez trop loin, trop souvent. Alors si l’absence de marges est néfaste est-ce que celles-ci nous apporte un plus. Et bien oui et cela s’appelle la confiance. Il suffit souvent d’une petite marge en plus du minimum pour faire régner la sérénité dans un cockpit. Par exemple les avions de ligne approchent presque toujours avec 5 KTS de plus que la vitesse d’approche règlementaire, ce qui fait que la vitesse passe rarement en dessous, que l’on s’éloigne du second régime et que l’on évite bien des « boums ». Une petite marge sur le carburant règlementaire, même par beau temps, permet de ne pas revenir au parking en cas d’attente au roulage et d’arriver sereinement à destination. Ne pas lancer votre planeur en arrivée dès que le calculateur indique que c’est possible, vous évitera des vaches scabreuses et des prises de terrain loupées. Pour finir la confiance augmente la performance en diminuant le stress, c’est le cercle vertueux des marges, car la performance vous donne de nouvelles marges. On voit donc que même le compétiteur a intérêt à avoir des marges, mêmes si elles sont plus faibles que pour les autres pratiquants.

Rappelez vous aussi que la réglementation n’est pas une garantie absolue de sécurité, ceux qui écrivent les règlements comptent aussi sur votre bon sens.

Bons vols

3 Comments

  1. Vladkr

    Bonjour,

    Je suis un lecteur de plus en plus assidu de ce site, bien que je ne vole quasiment plus.

    Cela étant, je tiens à souligner que la plupart des conseils prodigués ici peuvent ne pas se limiter à l’aviation; en effet ils sont tout à fait valables pour la route, la mer et tout un tas d’autres secteurs professionnels ou non…

    En tout cas même s’il s’agit bien souvent de bon sens, j’essaie de me souvenir de tout ce que j’ai lu sur ce site autant lorsque je prends le volant de mon auto que lorsque je me mets au commandes d’un cessna, car les marges de sécurités sont valables pour la route aussi.

    Un grand bravo et un grand merci.

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  2. JG CHARRIER

    Bonjour

    Oui en effet nous pourrions remplacer le mot avion, ou planeur… par automobile, cyclomoteur… C’est assez logique puisque nous retrouvons : l’homme, l’environnement, la machine et la vitesse. De mémoire 95% des accidents des jeunes conducteurs sont liés au comportement. C’est-à-dire qu’ils possèdent les compétences techniques avec l’acquisition de leur permis, et il sont à priori de bon “manoeuvriers”, mais ils n’ont pas les compétences non techniques qui pointent leurs vulnérabilités, et une sensibilisation à la “gestion des menaces et des erreurs”, c’est à dire les dangers externes. Dans le permis on ne s’occupe que de la machine: “habileté technique”.

    Le médical s’intéresse à tous ces aspects et beaucoup de recherchent sont communes autour de la gestion des risques, du stress, des erreurs. Des protocoles issus des facteurs humains mis en place dans des unités médicales ont donné de très bon résultats. Les personnes conscientes de leurs faiblesses en tiennent compte et s’investissent différemment, ou elles s’impliquent tout simplement une fois qu’elles ont perçu les risques.

    Nous avons en réserve quelques papiers sur le fonctionnement mental des “pilotes” c’est à dire des individus qui expliquent les comportements quotidiens de n’importe quel quidam.

    Merci pour les encouragements.

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  3. Delta

    Bonjour,

    Ce petit message pour vous remercier également pour ce site et ces articles fort intéressants et enrichissants.

    Breveté vol moteur et vol à voile à l’âge de 17 ans, j’ai ensuite (trop) longtemps arrêté le pilotage. J’ai repris il y a quelques temps avec une intense satisfaction mais également avec une grande humilité.

    Afin de retrouver l’aisance (ou ce qui me semble tel !) de mes jeunes années, je tâche de voler aussi souvent que possible tout en lisant beaucoup (ouvrages et revues, sites web, rapports BEA, etc…).

    Avec l’âge, et donc l’expérience, on ne réagit plus de la même manière. Je me donne des marges que je ne me donnais pas étant “gamin” (sans toutefois jamais avoir été “tout fou”). Je débriefe ensuite mes vols en réfléchissant aux points à améliorer (y compris avec un FI).

    @ bientôt et bons vols

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