Vous vous apprêtez à faire un vol local. Les conditions ne sont pas terribles, avec du vent de travers et des rafales. En planeur, vous vous aventurez, pas très haut, au-dessus d’une zone peu accueillante, avec des ascendances de plus en plus rares. Vous partez faire une balade avec votre ULM, quand vous vous souvenez avoir ressenti une vibration anormale au cours de votre dernier vol. Vous partez à l’autre bout de la France, les conditions à l’arrivée ne sont pas mauvaises, mais elles pourraient être meilleures.

Analyse, bilan, décision ! Et finalement vous prenez la décision de : voler avec du vent de travers proche de ce que vous pensez être vos limites, de survoler une zone inhospitalière avec votre planeur, de partir avec votre machine malgré une vibration moteur, ou d’embarquer le pétrole mini réglementaire et pas plus. Vous avez identifié un risque particulier, vous l’avez évalué et jugé acceptable : je maîtrise ce vent de travers, je serais suffisamment haut après cette zone peu accueillante, la vibration moteur est à peine perceptible, j’ai toujours mes réserves réglementaires.

Votre perception des risques n’est pas toujours optimale par manque d’expérience, de connaissances… voilà déjà un premier écart possible entre votre perception du risque et sa réalité. Il existe un deuxième qui va vous pousser à distordre la réalité, ce sont les biais de jugement. Concernant les risques, il en existe trois qui reviennent plus souvent que les autres, et dont l’importance sera étroitement liés à votre personnalité :

1. Pour commencer le biais de supériorité par rapport aux autres. Attention, il touche la plupart des personnes (75 à 90% des conducteurs de voiture s’estiment plus sûrs que le conducteur moyen). La plupart des pilotes se croient plus habiles ou plus malins que les autres. « Dédé qui s’est vaché hier, n’importe quoi ! », « Philippe qui a mis l’aile du Robin dans le poteau, jamais un truc comme ça ne me serait arrivé ». Faux, demain c’est vous qui allez vous cogner la citerne !
2. Un deuxième biais c’est la surestimation de ses capacités qui va entrainer un sentiment de sécurité qui n’aura pas toujours lieu d’être. Ces personnes perçoivent les risques comme les autres mais elles se considèrent plus compétentes que les autres, et si le risque survient elle croient qu’elles pourront toujours y faire face. Elles sont « irréellement optimistes » et elles entretiennent une « illusion de contrôle » qui peut perdurer et se renforcer dans une activité très normée, c’est à dire peu sujette aux aléas. Le pilote a l’impression de tout contrôler, quoi qu’il arrive.
3. Enfin, un troisième biais concerne l’illusion d’invulnérabilité. C’est une tendance générale qui nous fait dire que les accidents, les maladies… c’est pour les autres. Les personnes qui n’ont pas été confrontées aux aléas de la vie peuvent se percevoir plus facilement invulnérables. En l’absence d’évènements significatifs de sécurité pendant de longues années, le pilote se sentira immunisé contre toute menace. C’est une « illusion de l’expérience » qui entraine une sous estimation des risques. Quatre facteurs vont alimenter ce biais : le fait de ne jamais avoir été confronté à certains risques qui suggère que ça n’arrivera pas, le sentiment que l’on pourra contrôler le risque, la rareté du risque et l’absence d’expérience par rapport à ce risque.

En conclusion, nous avons une tendance naturelle, plus ou moins marquée, à sous estimer les risques.

Avant de prendre une décision, souvenez-vous de ces biais. Peut-être qu’alors vous reporterez votre vol, vous ferez le plafond avant de vous engager au dessus d’un secteur délicat, vous chercherez l’origine de la vibration de votre moteur, vous embarquerez une réserve de carburant supplémentaire.

Bons vols

Sources : Human Safety and Risk Management Taylor & Francis Psychologie du Risque de Boeck.

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